Quel espace privé sur les réseaux sociaux ?
Pour la cour de Cassation, les propos publiés sur un espace réservé ne sont pas des propos publics.
La cour de Cassation vient de se prononcer, pour la première fois, sur le caractère public ou privé des propos tenus par un salarié sur les réseaux sociaux. Une salariée publie sur des réseaux sociaux (Facebook et MSN) des propos que l’entreprise qualifie d'injures publiques. Pour la Cour de cassation, les propos litigieux ne sont pas des injures publiques, ceux-ci étant diffusés sur les espaces réservés, accessibles aux seules personnes agréées par la salariée, et en nombre très restreint, formant une "communauté d'intérêt". Un salarié ne peut être poursuivi pour injure publique envers son entreprise si ses propos ont été tenus sur un compte accessible uniquement à ses "amis" ou "contacts". A l'inverse, l'injure publique pourrait être retenue si les propos du salarié sont tenus sur un profil ouvert à tous. Ce qui confirme, par ailleurs, que les réseaux sociaux sont un espace public et qu'un employeur peut poursuivre son salarié pour injure publique pour ses propos sur Facebook.
Les attendus de l’arrêt n°344 du 10 avril 2013 (11-19.530) de la cour de Cassation :
1°/ que les informations publiées sur un site de réseau social, qui permet à chacun de ses membres d’y avoir accès à la seule condition d’avoir été préalablement agréé par le membre qui les a publiées, sont publiques ; que dès lors, en rejetant le caractère public des propos publiés par Mme Y... sur les sites Facebook et MSN, auquel n’importe quel membre de ce site pouvait avoir accès dès lors qu’il était agréé par Mme Y..., la cour d’appel a violé les articles 23, 29, alinéa 2, et 33, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ; 2°/ que l’élément de publicité des infractions de presse est constitué dès lors que les destinataires des propos incriminés, quel que soit leur nombre, ne forment pas entre eux une communauté d’intérêt ; qu’en l’espèce, Mme Y... a publié les propos incriminés sur les sites Facebook et MSN, qui étaient accessibles à ses différents « amis » ou « contacts » ; qu’en déduisant le caractère non public de ces propos au motif inopérant qu’ils auraient été diffusés à des membres choisis en nombre très restreint, ce qui serait exclusif de la notion de public inconnu et imprévisible, la cour d’appel a violé les articles 23, 29, alinéa 2, et 33, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ; 3°/ que la communauté d’intérêts peut se définir comme un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations et des objectifs partagés ; qu’en relevant que les membres choisis par Mme Y..., compte tenu du mode de sélection, par affinités amicales ou sociales, forment une communauté d’intérêts, bien qu’ils ne fussent liés entre eux par aucune appartenance commune, ni aucune aspiration ou objectif partagés, la cour d’appel a de nouveau violé les articles 23, 29, alinéa 2, et 33, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ; 4°/ qu’en affirmant que les contacts choisis par Mme Y... l’avaient été par affinités amicales ou sociales, la cour d’appel s’est prononcée par un motif alternatif équivalent à un défaut de motifs et ainsi a violé l’article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu’après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y... tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles ci formaient une communauté d’intérêts ; qu’elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques.
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