La dispersion au travail
Comment gérer le surtravail invisible ? Cette capacité peut se révéler décisive pour réaliser des tâches complexes et variées.
S’interrompre dans une activité pour répondre à un appel téléphonique, s’engager simultanément dans plusieurs projets, improviser en situation une réponse face à un problème qui vient de survenir, arbitrer entre des mots d’ordre contradictoires, concilier relations professionnelles et personnelles, sont autant de situations auxquelles un travailleur est fréquemment confronté.
Or, la dispersion reste souvent relativement invisible ou enfermée dans des interprétations morales ou pathologiques. Certains essayent de la prévenir, d’autres la gèrent en direct, en fragmentant leur activité ou en essayant de filtrer les problèmes. Mais lorsque l’exposition à la dispersion dure, cela accroît la charge au travail. Ce constat vaut tant pour les charges cognitives (interruptions incessantes), que psychiques (maîtrise émotionnelle, hantise de l’échec, sentiment croissant des activités empêchées) ou encore physiques (fatigue liée à la pression temporelle mais aussi torsions et étirements).
Une grande partie du surtravail engendré par la gestion de la dispersion n’est pas reconnue par les salariés comme du véritable travail. Il se trouve dénié, voire rejeté de la définition de l’activité et de la compétence professionnelle. Un tel cadrage cognitif engendre de ce fait une culpabilité, et probablement aussi une fatigue plus grande, puisque les travailleurs s’engagent en un combat inépuisable et perdu d’avance contre ce qui est constitutif de leur travail lui-même.
Plus largement, la seule prise en compte du niveau d’équipement ne saurait suffire, il faut également veiller au degré de maîtrise et de familiarité des utilisateurs, à l’existence ou non de prescriptions d’usage, aux formes de complémentarité mais aussi de concurrence qui peuvent exister entre les différents outils. Le problème ne vient donc pas des technologies numériques, mais de la capacité des organisations à gérer leur usage et à limiter les phénomènes invisibles de surtravail qu’elles peuvent générer. Cette approche des technologies numériques offre d’intéressantes perspectives syndicales pour améliorer les conditions de travail.
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