Télétravail : un état des lieux
Quand le télétravail avance par la négociation dans les entreprises.
L’Observatoire sur la responsabilité sociale des entreprises (Orse) vient de rendre public un « état des lieux des pratiques de négociation sur le télétravail dans les entreprises en France – outil d’aide à la négociation » auquel la CFDT Cadres a contribué.
La réalité du télétravail négocié
L’Orse s’est appuyé sur 35 accords signés dans les entreprises pour réaliser cet outil pratique en 19 entrées thématiques complétées par 10 fiches annexes. Chaque entrée est illustrée par plusieurs extraits d’accords signés. C’est la traduction concrète de l’accord national signé en 2005 par les partenaires sociaux et étendu en 2006 par le ministère en charge du travail.
Cet outil illustre le travail réel de négociation et d’invention des syndicalistes et DRH, négociation dont le caractère volontaire à souligner dans une période où les négociations obligatoires se sont imposées en grand nombre (stress, séniors, égalité professionnelle, pénibilité).
Avec notre partenaire Obergo et les fédérations professionnelles CFDT, nous poursuivons notre recueil des accords et chartes, accords signés par la CFDT ou non signés comme récemment chez GFI. Dans un certain nombre de cas, le télétravail n’est pas le cœur de l’accord mais un outil au service de la GPEC, de l’égalité pro, de l’insertion des personnes en situation de handicap, d’un plan de déplacement d’entreprise, de la prévention des risques psychosociaux… Ces différentes entrées traduisent bien le lien entre télétravail et RSE.
Une autre réalité du télétravail serait de pouvoir recenser et analyser les avenants au contrat de travail signés dans le cadre de la mise en œuvre du télétravail qu’elle soit personnelle (sans accord d’entreprise) ou collective (avec accord) car les deux voies co-existent.
Rappelons que tout salarié peut demander à son employeur la mise en œuvre de l’accord national sur le télétravail (sous réserve de travailler dans les entreprises du secteur privé).
De la téléréalité à la réalité du travail des télétravailleurs
Les accords ne disent pas la vie de travail des télétravailleurs. Pour la CFDT Cadres il est indispensable d’y voir plus clair sur la face « cachée » ou « grise » du télétravail afin d’enrichir le suivi de la mise en œuvre des accords quand ils existent sans se contenter des bilans chiffrés qui n’expriment pas la qualité de vie des télétravailleurs. Pour cela il importe de questionner le quotidien des télétravailleurs officiels comme des télétravailleurs officieux ou des télétravailleurs par convenance personnelle ou pour cause de débordement. C’est ce que propose la CFDT Cadres au travers de ses enquêtes ou celles de ses partenaires. Les résultats de l’enquête Obergo comme celle du projet WITE 2.0 sont très attendus.
Soulignons qu’un angle mort des travaux porte sur la qualité des relations de travail avec les télétravailleurs du point de vue des managers et des non télétravailleurs.
Il est regrettable qu’en Île-de-France, le Medef ait finalement refusé que l’Observatoire régional de la santé au travail se penche sur la question du télétravail.
C’est par cette exigence d’attention au télétravail réel que l’on évitera les désillusions et que la qualité de l’organisation du travail pour tous progressera pour tous.
Des illusions du télétravail à l’expérimentation
Lors du dernier Bureau national de la CFDT Cadres, les membres ont tenu a souligné quelques menaces qui entravent un développement raisonné du télétravail :
- Vouloir utiliser le télétravail comme la solution miracle pour le travail des personnes handicapées au risque d’une plus grande exclusion,
- Vouloir faire du télétravail à domicile LA solution aux problèmes d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale sans se pencher sérieusement sur les conditions réelles du télétravail au domicile,
- Vouloir faire du télétravail un outil au service aux petits arrangements locaux, individuels et de gré à gré entre managers et managés (partant en général d’une bonne intention réciproque) au détriment d’une approche maitrisée des risques et de la performance des collectifs,
- Sous prétexte d’une joignabilité / accessibilité permanente rendue possible par la technologie, faire monter l’exigence de disponibilité de façon excessive au risque de l’addiction et du burn out,
- Sous couvert d’ouvrir au maximum le parapluie de la responsabilité, développer des questionnaires de plus en plus intrusifs sur la vie privée en amont de l'acceptation d'une demande de télétravail.
Mais le télétravail est aussi apparu comme un levier à soutenir dans le cadre de multiples négociations évoquées plus haut, compte tenu de son impact possible dans l’amélioration intégrante de l’organisation du travail (de l’usage modéré de la messagerie à la gestion des situations de crise sanitaire, environnementale ou sociale, en passant par une appropriation réelle, généralisée et maitrisée des outils collaboratifs) comme de son impact sur l’organisation de la vie en société par un usage moindre des transports urbains usants, pour un développement des socialisations locales.
L’innovation professionnelle et sociale contenue en germe dans les accords télétravail signés, la satisfaction des télétravailleurs volontaires, bien accompagnés et bien intégrés, laissent augurer de possibles prolongements par le biais d’expérimentations négociées dans d'autres entreprises et en dehors, comme celles qui pourraient voir le jour dès 2012 dans le domaine des télécentres et autres espaces de co-working.
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