Rémunérer le travail, un « art de la combinaison et de l'équilibre »
Le numéro 495 de Cadres axe ses réflexions sur les clefs de la rémunération du travail. Entre RSE, partage de la valeur ajoutée, négociation(s)...
Penser le partage de la valeur
Éditorial revue Cadres n°495, par Marie-Christine Lebert, secrétaire nationale CFDT Cadres
"La rémunération de son travail est un sujet permanent de questionnement, voire de tension. Elle n’est pas ou de moins en moins la première motivation au travail, personne ne réduisant son engagement et besoin de reconnaissance au seul versement d’un salaire. Cependant aujourd’hui le contexte d’inflation actuel, de désintérêt de certains métiers, de raréfaction des compétences a remis sur le devant de la scène la nécessité de repenser la question.
La recherche de sens au travail comme les enjeux sociétaux (la crise climatique, les contraintes sociétales…) marquent une certaine déconnexion du travail et de la rémunération, en particulier dans le privé, là où les fonctionnaires placent historiquement leur engagement de contribuer à un service public de qualité.
Sa propre rémunération est un élément que chacun aimerait négocier mais qui longtemps n’a pas été réellement négociable, ni individuellement ni collectivement. La rémunération des actionnaires et des dirigeants, découplées des performances économiques de l’entreprise et du contexte social, l’insuffisance des politiques salariales, sans mesures générales, construisent inexorablement un sentiment d’injustice que chacun perçoit subjectivement. Et l’impuissance pour les managers qui n’ont pas de moyens et doivent gérer les ressentis de leurs équipes ajoute à cette frustration.
La rémunération des compétences doit être complétée par un réel partage de la valeur : intéressement et participation sont des outils qui s’inscrivent dans le dialogue social et doivent donc porter le changement."
L’absence de transparence nourrit le sentiment d’injustice. Lorsque celui-ci grandit et déborde, il est temps d’agir. La compréhension de sa situation et de son positionnement est rendue difficile car elle s’inscrit dans une invisibilité organisée. Les entreprises sont rares à publier des éléments en interne. Il faut se tourner vers l’externe. Il existe des outils précieux comme celui de l’Apec qui publie régulièrement les chiffres par métier et région et autres critères. C’est un service professionnel singulier et indispensable, pour les salariés du privé[1].
Seuls les syndicats ont accès à des éléments statistiques dans le cadre des négociations. Mais les données restent bien souvent incomplètes, en tout cas insuffisantes pour permettre une analyse de la situation. Les outils externes, réseaux sociaux et autres n’apportent pas réellement de vision mais quelques éléments disparates et dont la fiabilité peut être questionnée. La tension sur le marché des emplois fait varier les salaires d’embauche là où la crise a provoqué le refus d’emplois mal considérés et bien souvent mal payés et là où les compétences sont rares.
La rémunération des compétences doit être complétée par un réel partage de la valeur : intéressement et participation sont des outils qui s’inscrivent dans le dialogue social et doivent donc porter le changement. Ils restent insuffisamment utilisés et ne s’inscrivent pas au niveau d’équilibre recherché, trop peu de salariés étant touchés et pour de trop faibles montants.
Partager dans la plus grande transparence devient donc la seule voie possible. Les postures ne sont plus de mise, l’écoute est obligatoire, le dialogue social est l’outil qui permettra de co-construire des solutions justes et acceptables pour tous les acteurs. Négocier pour trouver les accords adaptés aux entreprises et aux secteurs permettra de réussir à mobiliser le travail pour affronter les crises et les changements, la CFDT y est prête. Aux entreprises et aux différents acteurs de l’activité d’y prendre toute leur responsabilité."
[1] Voir la récente étude « Les salaires des cadres dans 111 familles de métiers - Édition 2022 » et le service de simulateur de salaire Apec.
+ d'infos :
Rémunérer le travail, Revue n°495 (Janvier 2023)
[Édito] "Penser le partage de la valeur"
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