Numérique et télétravail

Le télétravail à l'ère du coronavirus : l'œil CFDT Cadres

14 avr 2020

Jérôme Chemin - Secrétaire Général adjoint de la CFDT Cadres - identifie les risques liés à la mise en place soudaine du télétravail à temps plein pour une grande majorité des salariés.


Le télétravial à l'ère du Covid-19Fiche CFDT Cadres : Le télétravail à l’ère du Coronavirus [COVID-19]

Le recours au télétravail a explosé depuis le début de la crise liée au Covid-19. Mais il convient de bien garder à l’esprit que nous ne sommes pas dans un déploiement « classique » du télétravail : le télétravail tel que nous le vivons actuellement a été mis en place dans le cadre de l’article L1222-11 Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 21

« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. »

 

En quoi ce télétravail n’est pas un télétravail comme les autres ?

  • Le salarié peut normalement faire du télétravail s’il est volontaire : ici le télétravail peut être imposé par l’employeur car c’est un aménagement du poste de travail rendu nécessaire par les circonstances.
  • Le télétravail « classique » s’exerce le plus souvent à temps partiel (1,2 ou 3 jours le plus souvent) : ici l’employeur a dû mettre en place le télétravail à temps complet.
  • Les accords télétravail signés dans les entreprises comprennent des restrictions sur les tâches pouvant être effectuées, sur les modalités (pas de télétravail si le salarié a de jeunes enfants), sur les jours (pas de télétravail le lundi ou le vendredi). Ici, la plupart du temps, toutes ces restrictions disparaissent au profit de la continuité de l’activité.
  • Les accords signés offrent souvent au salarié et à son N+1 une « période d’essai » pendant laquelle l’un comme l’autre peut arrêter le télétravail : cette période n’a pu être mise en place pour ceux qui font du télétravail pour la première fois.
  • Le salarié ne peut souvent faire du télétravail que si l’entreprise ou l’administration l’a équipé du matériel informatique nécessaire : nous voyons depuis le début du confinement que certains utilisent leur matériel informatique personnel.
  • Enfin tous les salariés ne sont « pas faits » pour le télétravail : ici, certains se sont retrouvés à en faire malgré eux, voire à en faire pour la première fois et à temps complet !

Quelles sont les conséquences ?

Si beaucoup de structures (entreprises, administrations…) avaient déjà organisé le télétravail, ce n‘est souvent malheureusement pas le cas : pour certains salariés il a dû être improvisé à la va-vite sans avoir pu être préparé dans de bonnes conditions.

Par peur du chômage partiel, beaucoup de salariés ont accepté le télétravail sans être à l’aise avec cette forme d’organisation.

La fracture numérique bien présente dans notre Société est encore plus criante aujourd’hui où beaucoup de salariés se retrouvent encore plus isolés par l’illectronisme.


Des risques à identifier 

  • Pas de matériel informatique adéquat : le salarié doit parfois utiliser son propre matériel ou un matériel fourni pour l’occasion qu’il ne maitrise pas.
  • Pas d’aménagement optimal du domicile : 
    - Le salarié se retrouve confiné avec toute sa famille et n’a souvent pas d’endroit où il peut s’isoler pour travailler.
    - Le salarié doit partager le réseau internet avec le reste de la famille : le besoin de plus en plus important en bande passante (visio, VOD…) minimise la qualité des échanges professionnels.
    - Le salarié n’a pas le mobilier adapté pour travailler dans de bonnes conditions ergonomiques.
  • Un isolement professionnel : la communication à distance ne s’improvise pas et certains se sont retrouvés en télétravail à temps complet du jour au lendemain sans jamais avoir pu tester cette organisation du travail. Les échanges sont mal organisés et on peut constater selon les cas une sur ou sous sollicitation.
  • Un isolement social : certains se retrouvent seuls à leur domicile sans pouvoir échanger en présentiel.
  • Un risque de surcharge et de connexion permanente : le confinement renforce la porosité des temps et certains ont du mal à « couper » la connexion. Si cela se retrouve dans le télétravail « classique », cette problématique explose dans la situation actuelle.
  • Un danger pour la sécurité des données : Le nombre de cyberattaques augmente mathématiquement dès qu'une crise (grève, coronavirus...) se déclenche. Or, les réseaux personnels sont moins bien protégés face aux cyberattaques que les réseaux privés d'entreprise. En se retrouvant seul à son écran le salarié est aussi plus exposé à des tentatives d'hameçonnage ou de mails frauduleux.

Quelques recommandations et bonnes pratiques

Avant tout, bien garder à l’esprit que nous ne sommes pas dans une situation de travail « classique » : il faut accepter que la disponibilité de nos collègues - comme notre propre disponibilité-, les livrables rendus, les délais à respecter vont très certainement s’en ressentir. 

Surtout faire preuve de bienveillance : certains télétravaillent pour la première fois…et en plus à temps complet !

Enfin, ne jamais rester isolé avec ses problèmes : identifier des interlocuteurs (N+1, collègues…) comme personnes ressources tout en veillant à ce que ces personnes ne soient pas sursollicitées en plus de leur propre travail.

 

 

ORGANISATIONS DU TRAVAIL

  •  Les échanges se font exclusivement à distance tout au long de la semaine sans pouvoir les compléter par des réunions en présentiel. Il faut bien identifier dans son équipe les besoins de chacun et savoir identifier et exprimer ses propres besoins : certains travaillent en parfaite autonomie et sont moins en demande de soutien (ce n’est pas une raison pour ne pas prendre de leurs nouvelles !), d’autres auront besoin de plus d’attention et de support : trouver le meilleur moyen d’interagir avec eux (point régulier, visio plutôt que conférence téléphonique, notes écrites détaillées…) et être à leur écoute. 
  • Savoir aussi demander de l’aide et de l’appui professionnels.
  • Ces échanges vont aussi se faire avec les fournisseurs, les clients et autres interlocuteurs externes à l’entreprise/administration : ils n’ont pas les mêmes pratiques, parfois la même « maturité numérique » et il va falloir aussi s’adapter à ces échanges en évitant toute mauvaise communication qui pourrait nuire à une relation sur le long terme. 
  • Les échanges vont se faire parfois pour la première fois à l’aide des outils de messagerie instantanée (Skype, Zoom, Teams…). Veiller à ce que chacun soit à l’aise avec les outils utilisés et ne pas hésiter à consacrer un certain temps par jour à la formation : les tutoriels sont nombreux mais rien ne vaut la formation entre collègues et l’échange de bonnes pratiques.
  • Plus généralement, il faudra s’assurer qu’un support informatique – formel ou informel – est mis en place pour aider les salariés qui rencontrent des problèmes avec leur matériel.

TRAVAILLER À SON DOMICILE

  • Si le mobilier n’est pas forcément adapté au télétravail (une chaise de jardin n’aura pas les mêmes vertus qu’un siège de bureau ergonomique), il faut savoir adopter les bonnes postures, se ménager des pauses quand on travaille sur écran (Dossier travailler sur écran de l’INRS) et ne pas rester tout le temps assis : alterner différentes façons de travailler par exemple en marchant pendant une conférence téléphonique, en travaillant debout quand on rédige un mail…. 
  • Le salarié va rarement se retrouver confiné seul à son domicile : tous n’ont pas le même rythme de vie …ni la même utilisation de la bande passante : penser à fixer certaines règles pour permettre de s’isoler quand nécessaire (éviter le lieu de travail dans le salon) ou pouvoir travailler dans de bonnes conditions en indiquant par exemple à ses proches qu’on est en visio de 14h à 16h et qu’il serait bon de ne pas utiliser Netflix.
  • Travailler à son domicile augmente la porosité entre vie professionnelle et vie personnelle : raison supplémentaire pour bien veiller à faire respecter son droit à la déconnexion et respecter son devoir de déconnexion pendant et hors travail. Il est essentiel de communiquer clairement sur ses disponibilités, de se ménager des « coupures numériques » pour se concentrer sur un dossier, de faire un planning clair en séparant bien les moments de travail et les moments de détente, fermer son ordinateur pendant l’heure de déjeuner et à la fin de sa journée de travail… (Voir le Guide de négociation du droit de déconnexion de la CFDT Cadres).
  • Le salarié travaille sur son réseau personnel : celui-ci n’est pas autant sécurisé que celui de l’entreprise. Il convient d’adopter certaines pratiques et de mettre en place certaines « barrières » : nous vous recommandons la lecture du dossier « Télétravail et connexion internet » de l’Arcep et celui de la Cnil « Salariés en télétravail : quelles sont les bonnes pratiques à suivre ? » pour faire du télétravail en toute sécurité. Sachez enfin que si vous êtes victime d'une escroquerie ou si vous pensez avoir détecté une contrefaçon, contacter sans tarder le responsable informatique de votre entreprise qui vous indiquera la marche à suivre. Pensez aussi à prévenir immédiatement les services de l'État, notamment via le site cybermalveillance.gouv.fr.

 

 

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