Debout sur le tonneau 2.0 ?
L’évolution du dialogue social en entreprise
Le dialogue social en entreprise évolue au gré des progrès techniques, pas toujours pour le meilleur. Là où les représentants du personnel avaient l’impérieuse nécessité du collectif, du rapport de force à établir et des militants à réunir « physiquement », ils doivent parfois organiser leur action dans l’illusion procurée par l’exhaustivité des listes de distribution.
La généralisation des technologies numériques de l’information et de la communication a suscité une abondante littérature concernant la modification des conditions de travail - au sens large - et en particulier l’exercice du management. Moins courants sont les récits des transformations induites dans la vie et les pratiques syndicales. Nos prédécesseurs, et certains d’entre nous, collaient des affiches et des enveloppes, calligraphiaient des stencils et montaient « debout sur le tonneau », là où aujourd’hui nous avons recours à une « mailing list », où nous organisons une prise de décision « collective » par mails interposés, parfois même tournons des « clips » de campagne électorale «mis en ligne ».
En un peu plus d’une décennie, nous sommes passés du régime d’une réunion hebdomadaire avec un volumineux courrier de même périodicité, à une dizaine de mails quotidiens, retransmettant des informations de différentes structures de l’organisation. Au sein de l’entreprise, les données du problème de la constitution d’un collectif syndical voire associatif restent nettement différentes : on rencontre, on parle, on découvre l’autre et les liens se nouent. Il n’en reste pas moins vrai que nous sommes confrontés à des modifications importantes, similaires à celles évoquées plus haut, et que ce n’est probablement que le début. Que penser de ce grand groupe industriel où la direction des ressources humaines implante sur son intranet un réseau social, sorte de Facebook interne, offrant des possibilités comme : devenir mon ami, dire de telle personne « j’aime » ou « je n’aime pas », révéler des éléments de sa vie extra-professionnelle ? Les jeunes embauchés vont probablement y adhérer beaucoup plus massivement que les seniors, et dans un premier temps cette constitution de collectifs, y compris « virtuels », se fera en concurrence des organisations syndicales. Devant ces initiatives patronales, la question du positionnement de l’organisation syndicale, quand elle est présente se posera inévitablement : boycotter, adhérer, créer un collectif CFDT …? Probablement, là où nos prédécesseurs montaient debout sur le tonneau de bière, devrons-nous nous dresser sur le tonneau 2.0.
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