‘’Dynamiser le télétravail’’ en dynamitant le salariat
Le télétravail, en discussion au Parlement, fait de nouveau l’objet de nombreuses approximations dangereuses.
Parce que le travail à distance négocié à de l’avenir, et parce que toute mutation comme le travail à distance doit être régulée, la CFDT Cadres en dénonce fréquemment les dérives possibles. Dernier charge en date, celle de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. Partant du postulat que le « télétravail recèle un important potentiel de croissance économique, socialement et écologiquement responsable », la CCIP préconise d’en supprimer les entraves en transformant quasiment la relation de travail… en relation commerciale. Si cette dernière était la solution pour développer notamment les entreprises et notamment les PME, on ne comprend pas pourquoi le miracle économique ne s’est pas encore réalisé.
Pour « dynamiser le télétravail », le rapport préconise : la fin de la présomption d’imputabilité de l’accident du travail, l’exclusion des télétravailleurs à domicile et nomade de la réglementation de la durée du travail, la non soumission de l’employeur de décompter les jours de travail, et la seule prise en charge des frais effectivement occasionnés par le télétravail sans autre indemnité de la sujétion particulière. En sus de dynamiter les droits des salariés « sans aucunement remettre en cause le statut de salariés des télétravailleurs » (sic), le rapport évacue le salarié hors de l’entreprise et, partant, est aveugle sur le travail réel, sa dimension collective et son management.
Exit le salarié de l’entreprise ! Ce qui se met en place habituellement, suite aux accords, c’est un télétravail au domicile sur un ou deux jours par semaine afin de garder le contact. Compte tenu des propositions portant sur le temps de travail et le droit aux repos, on ne voit pas comment le travail à domicile et le travail au bureau vont s’articuler.
Exit le travail lui-même ! Après avoir pointé avec raison l’écueil de la culture managériale, le plus sûr moyen de le résoudre est de ne plus en parler, en espérant des jours ‘’meilleurs’’ où le manager et les collègues ne seront plus intégrés dans l’activité de travail puisqu’il n’y aura plus besoin de manager lors de l’avènement de la nativ génération. Rappelons que même les jeunes cadres sont les premiers à demander de vraies négociations sur l’usage des technologies, mais aussi valorisent le travail d’équipe et le respect de la vie privée.
Rappelons enfin les maladresses inutiles et dangereuses que les parlementaires pourraient bien insérer dans le code du Travail, ce sans cohérence avec la loi de 2009. Une tentative déplacée et dangereuse, puisqu’elle permet d’instituer le télétravail sans négociation (un salarié qui refuserait le télétravail ne pourrait être sanctionné), place à distance la question du travail lui-même, oublie l’information au CE, autorise toute marche forcée sous couvert de situations exceptionnelles… La CFDT Cadres met en garde les apprentis sorciers du télétravail.
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