La CFDT favorable à une industrie forte et créatrice d’emploi, mais il n’y a pas d’industrie sans salariés
Tribune à l’occasion de la semaine de l’industrie du 4 au 11 avril 2011.
La France doit rester un pays industriel, au sens large : de la conception à la récupération et au retraitement des produits, en passant par la production, la commercialisation et les services associés. La politique industrielle doit s’inscrire dans un cadre ouvert. C’est à ce titre que la CFDT revendique une politique industrielle européenne, qui se révèle chaque jour plus nécessaire. Il est en outre essentiel que les choix industriels de demain prennent en compte les enjeux de développement durable et notamment les décisions issues du Grenelle de l’environnement.
Les enjeux sont multiples et cruciaux : tirer la croissance, favoriser l’innovation, créer des activités et des emplois nouveaux, réunir les moyens d’un développement durable, assurer l’indépendance nationale, régénérer les territoires, rétablir un équilibre entre grandes nations pour relancer la construction européenne et préserver son modèle social et démocratique, rien de moins.
La France est plutôt bien placée en matière de hautes technologies et dans l’agroalimentaire, avec quelques leaders mondiaux (dont nous pouvons remarquer au passage qu’ils sont le plus souvent le fruit de politiques industrielles publiques passées). Ce qui lui manque, c’est un tissu industriel de moyenne technologie et d’entreprises de taille intermédiaire, un réseau suffisamment dynamique pour se développer, exporter, assurer ses capacités d’innovations. Ce qui lui manque aussi, c’est une culture coopérative entre donneurs d’ordre et sous-traitants ou fournisseurs. Un récent rapport du médiateur des relations interindustrielles et de la sous-traitance en témoigne. C’est ici que se situe la principale différence entre les industries allemande et française. Ajoutons qu’une telle politique industrielle corrigerait bien des inégalités salariales, au sein de l’industrie et par rapport à d’autres secteurs plus lucratifs à court terme, redonnant de l’attractivité aux métiers industriels, technologiques et scientifiques.
En ce sens, une nouvelle politique industrielle impliquera nécessairement plusieurs acteurs territoriaux, nationaux et européens, publics et privés, patronaux et syndicaux. Aujourd’hui l’Etat est cependant le plus apte à agir vite et fort, non pas sous une forme dirigiste mais avec des pratiques fédératives, d’incitation, de mutualisation, d’impulsion. Des initiatives déjà prises doivent être développées et confortées par une meilleure coordination des acteurs dans le pilotage et l’évaluation : les pôles de compétitivité, la Conférence nationale de l’industrie et ses Comités stratégiques de filières(1), le grand emprunt, OSEO, le Fonds Stratégique d’Investissement, ou encore la charte automobile au plan sectoriel.
Prétendre que le coût du travail et les 35 heures seraient les causes de la désindustrialisation d’un pays comme la France, c’est commettre une erreur stratégique, considérant les salariés comme une charge ; c’est aussi culpabiliser les salariés qui font l’industrie. Plus que jamais, les salariés et leurs représentants sont des acteurs incontournables d’une politique industrielle. Gagner en productivité sur l’individu a ses limites, détruit souvent la santé et les collectifs de travail. Exclure les jeunes et les seniors du travail est un gâchis. Les effets induits et externalisés ont un coût élevé sur la collectivité. C’est pourquoi la CFDT a demandé à la Conférence de l’industrie et à ses comités de filières que la question de l’accès des jeunes à l’emploi soit traitée au regard des filières et des métiers d’avenir.
D’autres gains de productivité, d’autres facteurs de compétitivité doivent être encouragés. Les organisations du travail respectueuses de la santé et qualifiantes doivent relever du dialogue social. La négociation de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), partant de la stratégie de l’entreprise et au niveau d’une filière, pour imaginer les métiers, les emplois et les compétences nécessaires aujourd’hui et demain, révèlerait les besoins de formation, d’évolution et de reconnaissance des compétences, de sécurisation des parcours professionnels et de mobilité choisie des salariés. La GPEC permettrait en outre de réduire le nombre des emplois précaires dont la progression est constante. Plus largement, la stratégie industrielle, la politique des rémunérations et la gouvernance des entreprises doivent entrer dans le champ du dialogue social. Voilà qui donnerait une bien meilleure réactivité à l’économie française, l’amélioration des qualifications, clé de l’emploi de demain, de la compétitivité et de la croissance accompagnant les nécessaires mutations industrielles. Pour cela, la place du dialogue social est essentielle et grande est la responsabilité des syndicats et du patronat. Il faut donc multiplier la capacité de négociation jusque dans les PME, la renforcer, au besoin en conditionnant souplesse, aides et exonérations à la conclusion d’un accord collectif, car les salariés sont la véritable richesse de l’entreprise.
Patrick PIERRON, Secrétaire National Confédéral en charge de la politique industrielle, Jean-Paul Bouchet, secrétaire Général de la CFDT Cadres, Gilles DESBORDE, Secrétaire Général de la CFDT Services (dont textile, cuir, habillement), Dominique GILLIER, Secrétaire Général de la CFDT Métallurgie, Patrick MASSARD, Secrétaire Général de la FGA CFDT (dont agroalimentaire) André MILAN, Secrétaire Général de la FGTE CFDT (dont transports) Hervé MORLAND, Secrétaire Général de la F3C CFDT (dont communication), Rui PORTAL, Secrétaire Général de la FNCB CFDT (construction, bois) Jean-François RENUCCI, Secrétaire Général de la FCE CFDT (chimie, énergie) Luc SCAPPINI, Secrétaire Général de la FEAE CFDT (défense)
(1) Les filières retenues sont : automobile, aéronautique et spatiale, ferroviaire, navale, éco industries, services et technologies de l’information et de la communication, technologies et industries de santé, luxe et mode, biens de consommation, agro alimentaire et agro industrie, chimie et matériaux et tout dernièrement industrie nucléaire.