Simplifier ou non, mais être au plus proche du travail
Au-delà de la question de la hiérarchie des normes et de l'épaisseur du Code du Travail, parlons du professionnel.
Peut-on imaginer une société sans dialogue social ? Sans dialogue sur les questions économiques et sociales ? Ce n’est pas forcément ceux qui en parlent le plus qui en font le plus. L’interpellation est loin des préoccupations et attentes des salariés. Peut-on parler du dialogue social sans parler du travail et des conditions du faire ce travail, sans parler du professionnel ? On est beaucoup dans le macro de l’emploi, du Code, du Droit, de la norme… qui serait fait, pensé pour eux, les salariés. Mais eux, les salariés, sont ils bien la priorité des acteurs qui débattent ? On parle du Code sans parler du travail maintenu à distance. Combien d’accords sur la qualité de vie (QVT) et sur les espaces professionnels à ce jour ?
Pour la CFDT, un fil conducteur permanent, le « eux » est prioritaire. Une simplification du Code du Travail ? Oui, dès lors que celui-ci est devenu illisible. Un toilettage pour plus d’accessibilité, d’effectivité et donc d’efficacité, oui. Mais ne pas se tromper de finalité. Cela ne sera jamais synonyme pour nous de moins de droits ou de moins de bénéficiaires. Non au statut quo, mais place à l’intelligence et à l’innovation dans l’intérêt des salariés. Il faut sortir de la posture idéologique consistant à penser que ce Code serait la source de tous les maux de l’économie, que le dialogue social serait un frein à la compétitivité, que la négociation collective nuirait à la performance de l’entreprise et, qu’au final, toute forme de régulation jouerait contre la liberté d’entreprise. Ce n’est pas une réalité. Ce n’est pas mon expérience de chef d’entreprise avant de devenir syndicaliste. Ce n’est pas le ressenti de milliers de chefs de petites entreprises dans ce pays. Si la modification de la hiérarchie des normes est synonyme de moins de dialogue social, d’absence de dialogue social là où il n’existe pas déjà pas aujourd’hui, d’absence de toutes formes de représentation des salariés dans des milliers de TPE et PME, alors, c’est non. La priorité souhaitée à la négociation en entreprise suppose qu’il y ait des acteurs de la négociation. Quand certains négociateurs n’en veulent pas ou plus, alors, il n’y a plus vraiment de doute ou d’ambiguïté sur leurs réelles intentions. Certains représentants patronaux pensent encore que la négociation sur la QVT et la mise en place des espaces de dialogue professionnel, c’est du temps perdu et donc un coût à gérer. Ils y sont hostiles. Ceux-là n’ont jamais admis que dialogue social pouvait rimer avec compétitivité et performance de l’entreprise.
Une alternative originale à l’inversion de la hiérarchie des normes serait la suivant : la généricité et la spécialisation par contextes. La personnalisation au bon endroit avec les acteurs pertinents. Un socle minimal pour tous, y compris TPE-PME, toutes formes d’emploi et de contrats confondus, négocié au niveau national interprofessionnel, en coopération avec les législateurs, puis une spécialisation par branche, et jusqu’à l’entreprise. Une alternative méthodologique à ce qui se passe aujourd’hui : tout d’abord un pilotage par le bas et non par le haut. Par le réel et non le prescrit. Et pas à pas par expérimentation – évaluation, arrêt ou généralisation. Le droit au test, à l’erreur, à l’ajustement. La nécessité d’un pilotage souple des relations professionnelles sur ces deux bases : proximité au professionnel et légitimité. Eviter la judiciarisation permanente par posture ou par dépassement de ligne jaune permanente. Le dialogue social n’est pas seulement une affaire de norme, c’est un dialogue sur le professionnel et donc à partir des espaces de travail.