Retraites : n’enfermons-pas les cadres dans les bisbilles syndicales
Derrière la négociation sur la retraite complémentaire se cache un enjeu plus global sur les déterminants qui fondent le « statut cadres ».
Si être cadre en France en 2015 se résumait à cotiser à un régime spécifique de retraire complémentaire, alors des millions de salariés cadres en activité auraient bien du mal à se retrouver dans cette formule très réductrice. Managers, experts, chefs de projet… c’est d’abord une responsabilité, un diplôme, une qualification, une expertise, un degré d’autonomie qui sont les déterminants d’une population hétérogène, et ce bien plus qu’un statut qui n’a jamais été écrit.
Faut-il défendre ce statut qui n’a plus rien de protecteur ou négocier de nouveaux droits attachés à des fonctions professionnelles et à l’exercice d’une responsabilité spécifique ? Droit d’expression, droit d’alerte, droit à une rémunération qui soit la juste contrepartie d’un fort investissement, droit d’accès à des dispositifs ou services, droit de déconnexion… Si le statut cadre était protecteur, comment expliquer que plus d’un quart des cadres dont le salaire se situe malheureusement au-dessous du plafond de Sécurité sociale ne cotise à l’Agirc que de manière déguisée au travers un dispositif de garantie minimale de points (GMP) que la CFDT dénonce seule ?
On peut même estimer que ce dispositif a créé depuis une véritable trappe à précarité pour les cadres. Défendre et réclamer son maintien revient à pérenniser un système qui a contribué à déconnecter classification, responsabilité et/ou expertise et juste niveau de rémunération associé. La CFDT a une autre conception de la défense de ces salariés à part entière que sont les ingénieurs et cadres.
Lorsqu’il faut déterminer qui est cadres de qui ne l’est pas, plutôt que de prendre en compte les classifications que les partenaires sociaux ont patiemment négociées dans les branches et dans les entreprises, l’Agirc utilise des critères fondés dans les années cinquante : la fameuse classification Parodi. Ce serait un comble que les gestionnaires des régimes Agirc et Arrco cassent ce que leurs collègues négociateurs construisent. Cela ressemble fort à un déni de démocratie sociale à l’heure où la Cour de Cassation effectue un revirement remarquable en matière de justification de différence de traitement entre cadres et non-cadres. Le rapprochement de l’Agirc avec l’Arrco ne signe en rien la fin des cadres : c’est ailleurs que cela se passe. La CFE-CGC, historiquement fondatrice - avec le patronat - de l’Agirc, a eu une grande capacité à produire du statut sans avoir réellement pesé pour le défendre.
Pour la CFDT, première organisation syndicale dans le collège encadrement, devant la CGT et la CFE-CGC, un des préalables le plus important est bien d’apporter aux cadres une vraie reconnaissance de leurs fonctions en y intégrant leurs spécificités, y compris sur leur retraite.
Les affiliés non-cadres et cadres de l’Arrco, tous les salariés du privé, ne doivent pas être les victimes des bisbilles syndicales. Ils doivent bénéficier des garanties d’un régime rénové avec des règles de gouvernance assurant à terme sa viabilité. C’est important pour eux et c’est important pour le pays. Il est essentiel de se mobiliser pour donner l’envie de s’engager, de prendre des responsabilités ou se former pour acquérir ou développer ses compétences.
Jean-Paul Bouchet, secrétaire général CFDT Cadres
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