Pour le climat aussi : plus vite, plus haut, plus fort
#Climat : Le secrétaire général de la CFDT Cadres Laurent Mahieu rappelle que des décisions de court terme ne doivent pas remettre en cause les objectifs à plus long terme.
par Laurent Mahieu, secrétaire général de la CFDT Cadres
Si les enjeux du changement climatique sont restés discrets pendant la campagne présidentielle, ils sont réapparus entre les deux tours, d’une part avec la publication du 3e rapport du GIEC et d’autre part par le changement de discours du candidat Macron sur ce sujet…
La crise climatique n’a pas disparu avec la crise sanitaire du Covid-19 ou la crise ukrainienne, comme le souligne le dernier rapport du GIEC. Dans tous les scénarios étudiés, avoir une chance de limiter le réchauffement à 1,5 degré ou à 2 degrés supplémentaires « implique des réductions de gaz à effet de serre rapides, profondes et la plupart du temps immédiates dans tous les secteurs ».
Rappelons que nous sommes déjà à +1,1°C. Concrètement, on parle de diviser par 2 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour tenir les 1,5° – alors qu’aujourd’hui, nous avons seulement réduit leur rythme de croissance. La France et surtout l’Europe ont pris des engagements ambitieux avec la Green Deal, Fit for 55 ou encore la stratégie "de la ferme à la fourchette”. Nous ne devons pas perdre de vue et renoncer à ces objectifs, même dans la période actuelle.
Les réponses de court terme qui consistent à enfermer le consommateur, le travailleur ou le producteur dans sa dépendance à des énergies, des intrants ou des modes de travail, de production ou de déplacements qui ne sont pas compatibles avec la transition écologique sont des impasses. C’est l’enfermer dans une boucle de la vie chère et insoutenable.
Des choix difficiles devront être faits. La société devra collectivement réinterroger ses modes de vie en profondeur : quelles mobilités, quelle alimentation, quelles consommations, quel accès à quelles énergies pour quoi faire, quels habitats, quels procédés de production, quelle organisation du travail, etc. ?"
Des décisions de court terme ne doivent pas remettre en cause les objectifs à plus long terme. Nous devons continuer de revendiquer de construire collectivement et démocratiquement des projets de développement durable à hauteur de femmes et d’hommes, au niveau national et au niveau des territoires.
Des choix difficiles devront être faits. La société devra collectivement réinterroger ses modes de vie en profondeur : quelles mobilités, quelle alimentation, quelles consommations, quel accès à quelles énergies pour quoi faire, quels habitats, quels procédés de production, quelle organisation du travail, etc. ? Les réponses à ces questions doivent articuler lutte contre les inégalités sociales, enjeu écologique et gouvernance démocratique et les investissements nécessaires à l’évolution de nos modes de vie doivent être réalisés en conséquence.
Nous devons exiger que ce travail prospectif soit mené collectivement dès le lendemain des élections pour identifier sans attendre les mesures de transformation et d’accompagnement à mettre en place. Et ce à tous les échelons de notre territoire.
En parallèle, l’action publique doit devenir le catalyseur de la transition écologique juste : développer les énergies renouvelables et peu carbonées ; adopter une fiscalité juste et efficace du point de vue des changements de comportements ; supprimer les subventions aux énergies fossiles ; conditionner les aides publiques aux entreprises. En résumé, face à la crise climatique, à la possibilité d’infléchir la courbe par une action résolue dans les 3 ans qui viennent, il nous faut agir, comme le dit la devise des Jeux Olympiques :
Pour le climat aussi : Plus vite, plus haut, plus fort
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Plus vite car il ne reste que 3 ans pour agir durablement,
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Plus haut car il faut avoir des réponses à la hauteur de l’ambition,
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Plus fort car l’action individuelle ne suffira pas !
Avec à l’esprit le développement de coopérations plus que de compétitions !
Après la loi Pacte et l’article 1833 du code civil, les « ouvertures » de la loi Climat & Résilience sont faibles pour que l’environnement soit un sujet syndical que le CSE peut prendre à bras le corps. Les décrets sur la traduction du E comme Environnement dans la BDESE sont au plus maigres !
Il y a sans doute à pousser la revendication d’ouverture dans les entreprises et administrations de négociations sur la transition écologique juste qui mobiliseraient tout le corps social (interne et externe ?). Pourquoi pas des conventions citoyennes d’entreprise ; où encore des groupes d’expression « Transition Juste », 40 ans après les lois Auroux, comme l’a expérimenté la CFDT au sein du groupe Bayard Presse.
Si des choix difficiles sont à faire il ne faut pas sacrifier la justice sociale sur l’autel de la justice climatique.
Sur ce sujet, cette urgence, il y a sûrement à opérer un changement d’échelle de notre action syndicale. Ce mouvement de fond est heureusement perceptible : est-il assez visible ?
La CFDT a centré son événement 1er mai sur les enjeux climatiques et a fortement participé aux rencontres de l’écologie et du travail (organisé par un collectif associatif et néo syndical). La Confédération est à la fois impliquée dans des démarches externes volontaires (Pacte du Pouvoir de Vivre, Grand Défi) ou étatiques (par exemple en produisant avec les fédérations concernées une contribution à la Stratégie française sur l’énergie et le climat).
Concernant cette dernière, en complément des approches de filières (contribution des fédérations) et des territoires (contributions des URI), la CFDT Cadres pourrait apporter une contribution sur la question de la participation des cadres et de leur formation TLV, voire relativement à l’enseignement supérieur.
Les conclusions du rapport JOUZEL pour l’enseignement supérieur (un cursus obligatoire crédité de 6 ECTS) mettront du temps à se mettre en place. La Commission des titres d’ingénieur de son côté accompagne les écoles d’ingénieurs dans cette nécessaire prise en compte des enjeux environnementaux inscrite explicitement depuis 2014. Elle vient tout récemment d’actualiser son document de référence et la CFDT Cadres s’en fera l’écho prochainement.
Signalons enfin une réflexion qui vient du monde de l’entreprise. Ainsi, tout récemment, l’observatoire de la branche des bureaux d’études (l’OPIEEC) qui réunit des représentants patronaux et syndicaux a publié une étude « Les métiers et les compétences de l’ingénierie face à l’enjeu du climat » qui propose des pistes d’actions pour les acteurs de la branche et des propositions de mise en œuvre. Cette démarche peut être inspirante pour d’autres observatoires de branche et pour de possibles interventions, contributions (SFEC, CNESER, HCERES, CTI, CEFDG, Certif Pro, France Compétences, etc.).
A suivre, plus vite, plus haut, plus fort, au travail pour le climat ! Et toujours notre revue Cadres sur le sujet de la responsabilité environnementale.
+ d'infos
Le Pacte vert pour l’Europe : des syndicats impliqués | Revue Cadres (larevuecadres.fr)
Urgence climatique : "Il ne faut plus s'arrêter aux chiffres" (cfdt.fr)
“Climat et syndicat” : des paroles et des actes chez Bayard Presse - Syndicalisme Hebdo | CFDT
La responsabilité environnementale des entreprises (revue n°486, octobre 2020)