Négociation sur l’encadrement : Le patronat saura-t-il répondre aux attentes des cadres et des entreprises ?
Avant le 5 février, la délégation patronale doit soumettre aux organisations syndicales un texte tenant mieux compte des remarques et des attentes exprimées.
La négociation sur l’encadrement a tenu une séance vendredi 17 janvier, la précédente s’étant déroulée le 29 novembre. Sur la base des contributions transmises par chacune des Organisations Syndicales le 17 décembre, la délégation patronale devait soumettre un texte de synthèse avant la séance. Ce fut chose faite … la veille à 18 heures.
Les travaux ont commencé par une heure d’interruption de séance afin que chaque organisation puisse prendre connaissance du texte patronal et pouvoir ensuite s’exprimer sur les points d’achoppement. Le texte, structuré en 17 « préconisations », s’inspire largement des propositions faites par l’ensemble des organisations et on y relève d’ores et déjà certaines avancées notamment en termes d’égalité professionnelle femme-homme, de formation des managers et de recrutement par compétences, ou encore une insistance sur la régulation de la charge de travail et le respect des repos, et le respect du droit à l’investissement syndical.
Un texte construit, mais à ce stade en deçà des attentes de la CFDT
Si l’ensemble des organisations syndicales se sont satisfaites d’obtenir enfin un texte marquant ainsi une avancée dans la négociation, des insuffisances, et pas des moindres, demeurent :
- La nature du texte n’est toujours pas définie : la délégation patronale n’a pour l’instant toujours pas obtenu de mandat même si l’éventualité d’un ANI n’est pas exclue ;
- La définition interprofessionnelle de l’encadrement n’est toujours pas précisée ;
- La question de la prévoyance n’y est toujours pas abordée.
Au-delà de ces éléments majeurs, la délégation CFDT a regretté également une vision réductrice du « cadre » exprimée dans le projet de texte et a noté le réel décalage qui existe entre l’ambition exprimée dans le préambule, pour des cadres qui « aspirent à de nouveaux modèles organisationnels et managériaux » … et un contenu décevant sur de nombreux points : accès limité à l’information, pas d’engagement sur la formation autre que l’encouragement au bilan de compétences, pas de référence à la façon dont les cadres sont impliqués dans la prise de décision et à la stratégie de l’entreprise, pas de référence aux modalités de leur évaluation, à la fixation de leurs objectifs, à des espaces de dialogue professionnel, etc. Le texte se contente pour le moment de rappeler le droit existant sur des points d’attention plus spécifiques aux responsabilités des cadres et à leur organisation de travail (équilibre des temps de vie, liberté d’expression, éthique professionnelle, etc).
Les engagements soi-disant « réciproques » entre cadres et entreprises, sont finalement largement déséquilibrés au détriment des cadres.
La question de la prévoyance remise à plus tard… et l’ouverture d’une discussion sur l’APEC annoncée
Pour la délégation patronale, la question des « 1,5% » prévoyance ne peut, au regard des divergences d’interprétation actuelles, être traitée dans le cadre de cette négociation. Le sujet est, pour l’heure, dans le camp du gouvernement, et pourrait être, à l’avenir, renvoyé au juge.
En revanche, les organisations patronales acceptent, mais de façon disjointe à cette négociation, d’aborder cette question à travers celle des catégories objectives qui, pour certaines (art. 36), n’ont pas été reprises dans l’accord de 2017.
Enfin, parce que l’APEC (née d’un accord national interprofessionnel) est à la fois une ressource pour les cadres et un outil mis au service des entreprises, un travail paritaire sur son rôle et le champ de ses missions est proposé : c’est une perspective que la CFDT soutient.
En conclusion de la séance de négociation, la délégation patronale s’est engagée à transmettre aux organisations syndicales, avant la prochaine séance prévue le 5 février prochain, un nouveau document tenant mieux compte des remarques et des attentes exprimées par les délégations syndicales.
Pour 2020, des enjeux pour les cadres et les entreprises décryptés par l’APEC
Opportunément, l’APEC vient de publier une synthèse des enjeux 2020 pour les cadres et pour les entreprises, présentés en 5 axes. À tout le moins, on pourrait envisager que la délégation patronale se saisisse des enjeux principaux à nos yeux parmi ceux identifiés pour les entreprises :
1. La transformation numérique
« Répertorier les compétences techniques et transverses à renforcer pour accompagner la transformation. Identifier les formations pour les collaborateur.rice.s »
Pour l’instant le texte patronal se contente d’encourager les cadres au bilan de compétences financé par leur propre CPF.
2. La redéfinition des compétences
« Former les cadres, en particulier les managers, aux compétences relationnelles attendues »
Le texte patronal reprend notre proposition d’élaborer une certification « Cléa Manager »
3. La différenciation par la promesse employeur
« Travailler sa marque employeur en mettant en avant ses spécificités »
C’est là tout l’enjeu du développement d’un dialogue social de qualité producteur de nouvelles avancées pour les cadres.
4. La recherche de sens et d’équilibres
« Mettre en avant la dimension sociétale de son entreprise / organisation »
« Mettre en place des actions permettant de favoriser l’équilibre vie pro-vie perso … »
« Entendre le besoin de sens et d’équilibres »
Pour l’instant, le texte patronal est très top-down quant aux orientations stratégiques des entreprises : une forme de surdité aux aspirations des cadres, au nécessaire dialogue professionnel et au processus d’alerte éthique.
5. La prise en compte des inégalités
« Prendre conscience des inégalités existantes à l’intérieur de l’entreprise en les objectivant : écart de salaire entre les femmes et les hommes, accès inégal à la formation selon l’âge »
« Allier réduction des inégalités et réponses aux difficultés de recrutement en s’ouvrant à des profils plus séniors ;
« Développer des plans d’action visant à réduire ces inégalités, au-delà des exigences légales. »
C’est sans doute sur ces aspects que le texte patronal tente d’aller de l’avant !
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