Fonctions publiques : une égalité qui ne va pas de soi
Censées incarner l’égalitarisme républicain, elles demeurent largement inégalitaires en termes d’évolution de carrière…
L’égalité professionnelle a toujours été perçue comme allant de soi dans le secteur public car… prévue par la loi. Mais en dépit d’un engagement et d’une prise de conscience sur le sujet ces dernières années, des progrès significatifs restent à accomplir. Lois, décrets, ou encore chartes sont autant de leviers qui n’ont pour le moment pas suffi à répondre aux enjeux que soulèvent l’égalité hommes-femmes dans les fonctions publiques.
Des inégalités persistantes
Censées incarnées l’égalitarisme républicain, les fonctions publiques demeurent largement inégalitaires en termes d’évolution de carrière entre les femmes et les hommes. Se voulant exemplaires, elles devraient, en théorie, exclure les inégalités d’accès aux postes et de rémunérations grâce aux règles de grade et d’ancienneté. Mais la réalité est très différente. La situation des femmes a relativement peu évolué ces dernières années ou ne progresse qu’au gré de ceux qui dans certaines structures ou administrations ont considéré pour un temps le sujet comme prioritaire. Il manque une véritable continuité de la politique publique dans ce domaine.
Le constat actuel est que l’arsenal législatif pas plus que l’existence de la grille ne suffisent pas à garantir l’égalité de traitement. L’écart des rémunérations, hors temps partiel et temps non complet, stagne depuis 1990 à hauteur de 27% à la défaveur des femmes alors que la moyenne est de 15% dans l’Union Européenne.
L’enquête CFDT « La parole aux A ! » auprès des cadres des fonctions publiques a confirmé que les écarts sont bien une réalité. On constate que si globalement la situation reste équilibrée entre les hommes et les femmes pour l’accès aux postes à responsabilité, l’inégalité salariale se concrétise lorsqu’elle concerne les rémunérations les plus élevées, plus de 13% d’écart entre les hommes et les femmes pour un salaire net mensuel de 5000 euros et plus. Par contre, elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à percevoir un salaire net mensuel inférieur à 2000 euros. Au-delà du traitement indiciaire, le taux des primes renforce les différences, les indemnités représentent 21% du traitement des hommes, 9% de celui des femmes.
Les ségrégations liées aux structures d’emploi, les quotités de travail imposées ou non qu’il s’agisse du temps partiel ou du temps non complet, les restructurations ou regroupements de services induites par la RGPP accentuent les inégalités envers les femmes là où elles exercent principalement des fonctions support.
Dans la Fonction publique d’Etat, les femmes sont nettement sous représentées dans l’encadrement dit A+ dont elles représentent 36% contre 63% des agents titulaires de la catégorie A. Ce sont les emplois d’inspection, de contrôle et d’expertise qui sont les plus féminisés avec 54% de femmes. A l’inverse, les emplois d’encadrement et de direction comprennent seulement 22% de femmes et même 11% parmi les emplois à la décision du gouvernement. Dans la territoriale, les femmes représentent plus de la moitié des Directeurs généraux des services (DGS) dans les communes de 2000 à 10 000 habitants mais moins de 30% dans les communes de plus de 20 000 habitants. De fait, les femmes occupant un poste de DGS décroit à mesure que la taille de la collectivité augmente. C’est donc au sein des petites collectivités que les femmes occupant un poste de direction sont les plus représentées. Dans la Fonction publique hospitalière, l’évolution d’ensemble se caractérise par une féminisation lente mais continue avec un déséquilibre entre les deux corps de directeurs : une majorité d’hommes, 62% chez les directeurs d’hôpital (DH) mais une majorité de femmes, 58% chez les directeurs d’établissements sanitaire, social et médico-social (D3S).
Les réformes issues de la RGPP ont un impact certain sur les parcours professionnels des femmes cadres, les obligeant souvent à choisir entre un déclassement ou une suppression de poste. Dans la fonction publique d’Etat, le reclassement à un niveau hiérarchique inférieur est de mise. De directrice de service, les femmes passent très vite à des fonctions de second ou de troisième rôle comme adjointe voire chargées de missions sur des postes d’experts. Impact sur leur vie quotidienne, contraintes à la mobilité forcée ou aux changements répétés de la hiérarchie, elles ne retrouvent pas toujours l’environnement qui leur permettrait de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, d’autant que les changements de mentalité sont longs et qu’elles assurent le plus souvent la parentalité. De plus l’individualisation croissante des pratiques RH dans les fonctions publiques, n’est guère favorable à la prise en compte des compétences des femmes qui sont systématiquement sous évaluées en raison de la sur représentation de la culture du présentéisme dans notre pays.
Une négociation en cours...
Suite au rapport Guegot, qui préconise de fixer des objectifs clairs et contraignants pour l’accès des femmes aux postes à responsabilité et d’imposer des sanctions aux employeurs publics récalcitrants, le gouvernement a souhaité s’engager après négociation avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs, pour avancer concrètement dans ce domaine en proposant un cadre d’orientations et d’actions à décliner dans les trois versants de la fonction publique. Cette négociation est en cours actuellement.
Cependant, les amendements adoptés dans la loi du 1er mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire, stipulent que pour les trois Fonctions publiques, une présentation devant le conseil commun de la fonction publique et les comités techniques, de rapports de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans les mêmes conditions que celles existant dans le secteur privé avec obligation faite à l’administration de respecter une proportion minimale de 40% de membres de chaque sexe dans les conseils supérieurs sauf pour la territoriale et dans les commissions administratives paritaires et d’intégrer la même proportion dans la composition des jurys. L’égalité d’accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité des trois versants de la fonction publique, se fera par la mise en œuvre d’objectifs chiffrés et progressifs de nominations aux emplois de direction, assortis de sanctions financières s’ils ne sont pas respectés. Les administrations se verront assigner un objectif de 40% de taux de féminisation à l’horizon 2018 et un seuil d’entrée à 20% à l’horizon 2013. Le montant de la contribution à acquitter en cas de non respect de l’obligation établie par la loi sera fixé par décret par le Conseil d’Etat.