Dialogue social et numérique : vers des règles au profit de tous
La CFDT Cadres commente les 7 recommandations émises par le rapport RDS, soulignant l'importance d'une mise à disposition des outils numériques au service du dialogue social.
Depuis 2018, la CFDT Cadres participe au groupe de réflexion « Impact du numérique sur le dialogue social » mis en place par l’association Réalités du dialogue social. La synthèse de ses travaux (mars 2020) pour la période 2018-2019 vient d’être rendue publique.
Si le numérique a depuis longtemps pris une place prépondérante dans nos espaces tant professionnels que personnels, la CFDT Cadres ne peut que partager le constat du rapport que le dialogue social numérique à trois bandes « Direction- salariés – IRP » n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Si des initiatives sont prises dans certaines organisations, force est de constater que l’utilisation des outils numériques mis à disposition du dialogue social est pour le moins limitée.
Sans énoncer ici la totalité de la synthèse de ces travaux, la CFDT Cadres est satisfaite que certains constats et recommandations soient repris afin que ce dialogue social à l’ère du numérique se développe au profit de tous.
Nous nous contenterons donc ici de commenter les 7 recommandations émises par le rapport « pour faire du numérique un levier du dialogue social » :
Recommandation 1 :
« Élaborer un guide, voire une charte des usages numériques à destination des acteurs du dialogue social, qui pourrait servir de référentiel à décliner dans les entreprises sous forme d’accord. Ce guide listerait les outils digitaux les plus usuels dans les relations sociales, avec des conseils d’accès et d’emploi, répertorierait les rubriques sur lesquels il peut y avoir des régulations, définirait les responsabilités respectives… »
► Pour la CFDT Cadres, il est important de pouvoir négocier les règles du jeu des usages numériques dans les entreprises et administrations. Comme nous le revendiquons pour le télétravail ou le droit à la déconnexion par exemple, il est impératif de le faire pour le dialogue social à l’ère du numérique. Car négocier, c’est s’assurer que ces règles du jeu seront acceptées par tous les acteurs en présence. Pour cela, le groupe de travail mis en place par RDS va travailler dans les mois qui viennent à l’élaboration d’un guide pour aider chacun à pouvoir négocier dans sa structure.
Tout se passe comme si le dialogue social évoluait au 21e siècle avec des pratiques issues du 20e siècle."
Recommandation 2 :
« Décloisonner les dispositifs digitaux d’information et d’échanges, en favorisant les plateformes d’interactions salariés – représentants du personnel – direction, et en reconnaissant un droit d’utilisation « égal » des systèmes d’information, y compris les messageries professionnelles, par tous les acteurs de l’entreprise. Cela suppose que les représentants du personnel soient autorisés à le faire sur le lieu de travail - sous réserve de respecter les règles de la CNIL – et donc de lever la condition préalable d’un accord d’entreprise, comme cela a été fait pour le placement de sites syndicaux sur l’intranet en 2016 »
► Malgré le développement fulgurant des outils de communication dans les organisations (mails, messagerie instantanée, blogs, plateformes d’échanges…), force est de constater que ces moyens sont très peu mis au service du dialogue social. Les directions les utilisent mal pour interagir avec les salariés, les ferment aux organisations syndicales qui n’ont que très rarement le droit de communiquer par mail et hésitent à les utiliser pour animer le dialogue quotidien (BDES, négociations, réunions CSE à distance …). Tout se passe comme si le dialogue social évoluait au 21e siècle avec des pratiques issues du 20e siècle.
La CFDT Cadres a donc tenu à ce que cette recommandation figure en bonne place dans le rapport.
Recommandation 3 :
« Garantir la transparence sur la fonctionnalité des outils et l’usage qui est fait des données collectées en privilégiant une co-production et une co-exploitation par les partenaires sociaux des instruments de consultation (baromètre, BDES, etc.). Ces dispositifs en tant qu’aide à la décision, exigent de clarifier, en amont, les objectifs et les modalités de traitement des données collectées auprès des collaborateurs, ces derniers disposant en quelques sortes d’un droit d’alerte sur l’utilisation des informations transmises. »
► S’ils sont souvent sollicités par les directions (sondages, baromètres, …), les salariés sont souvent méfiants vis-à-vis de ces outils : interrogations sur l’anonymat des réponses, manque de transparence sur la collecte et l’utilisation des données les empêchent souvent de les utiliser pour participer à la consultation.
De leur côté, les directions tendent à multiplier ces actions sans donner l’impression d’être véritablement à l’écoute de ce qui est remonté. Dès lors, les salariés se lassent aussi de répondre, ne constatant aucun changement dans leur quotidien entre deux sondages.
La CFDT Cadres a toujours prôné la co-construction avec les représentants du personnel de questionnaires plus adaptés et plus efficaces pour le dialogue au sein de l’organisation.
Les chats internes intégrés aux outils professionnels sont malheureusement parfois dévoyés en outils de surveillance, perdant ainsi toute la valeur ajoutée qu’ils peuvent avoir pour faire remonter les difficultés.
Revendication phare de la CFDT, la BDES est sous-exploitée par les partenaires sociaux et demande à être remise au centre du dialogue social comme c’était sa vocation.
Il conviendra de renégocier les accords le plus souvent possible pour y intégrer ces changements au risque de les voir très vite devenir obsolètes en ne répondant plus aux attentes identifiées."
Recommandation 4 :
« Digitaliser le dialogue social en cohérence avec la culture d’entreprise, son organisation du travail (télétravail) ou encore ses engagements sociaux et environnementaux (programme « papier raisonnable ») et introduire ce volet « dialogue social » dans une consultation obligatoire à instaurer, tous les deux ans par exemple, sur les enjeux et pratiques du digital dans l’entreprise. »
► Le développement d’un dialogue social à l’aide des outils numériques ne peut se faire « hors-sol » mais en lien avec ce que l’organisation a déjà mis en place et la « maturité numérique » des acteurs. Par exemple, la communication syndicale par voie numérique sera d’autant plus rendue nécessaire si de nombreux salariés travaillent à distance (télétravail, présence en clientèle...).
Et comme nous le voyons dans nos organisations, nos accords en lien avec le numérique vieillissent mal tant les progrès sont nombreux et les pratiques changent rapidement. Aussi, il conviendra de renégocier les accords le plus souvent possible pour y intégrer ces changements au risque de les voir très vite devenir obsolètes en ne répondant plus aux attentes identifiées.
Recommandation 5 :
« Sensibiliser et accompagner les représentants du personnel et élus syndicaux aux usages numériques en proposant des formations au digital spécifiques dans leur plan de formations prévues pour exercer leur mandat et comprises dans les moyens alloués au dialogue social. Ce besoin de sensibilisation concerne également les responsables d’entreprise ou d’administration qui alternent entre méfiance et enthousiasme excessifs à l’égard d’outils digitaux. Révélatrice du rapport de confiance entre les interlocuteurs, la question digitale devrait occuper une place dans les formations communes au dialogue social ».
► La CFDT Cadres a toujours revendiqué le besoin de formation aux outils numériques, formation technique mais aussi -et surtout- formation aux usages (lire par exemple notre guide d’aide à la négociation sur le droit à la déconnexion ou celui sur le télétravail).
Le dialogue social n’est déjà pas toujours facile en présentiel et peut être rendu encore plus compliqué quand il s’effectue par le biais des outils. Chacun dans l’organisation doit donc être à l’aise avec eux pour en limiter les biais et y trouver un appui plutôt qu’une contrainte ou un obstacle supplémentaire.
Recommandation 6 :
« Mobiliser le numérique pour assurer une réelle information des salariés sur les accords signés (ou plan d’actions) et les processus de consultation, et pour systématiser un suivi collectif des accords au fil du temps, par les signataires et les collaborateurs concernés, afin de pouvoir les faire évoluer si nécessaires. »
► Le numérique permet de lever de nombreuses contraintes de temps et d’espace. Ainsi les accords signés, les relevés de décision, les PV de réunions CSE doivent être plus facilement accessibles, tant en termes de moyens qu’en terme de contenus.
C’est cette accessibilité qui permettra un échange renforcé avec toutes les parties prenantes de l’organisation car on ne négocie pas tout seul, ni pour soi, mais collectivement, pour tous les salariés. Et ce sont ces échanges qui permettront à tous de participer à l’élaboration de propositions et solutions.
Enfin, c’est ce dialogue social au fil de l’eau qui donnera une certaine légitimité et visibilité aux acteurs du dialogue social et facilitera la signature d’accords favorables à tous.
Pour la CFDT cadres, il est important de rappeler sans cesse que le numérique ne pourra - et ne devra - jamais remplacer le présentiel.
Recommandation 7 :
« Faire en sorte que la virtualité du digital s’accompagne toujours d’une contrepartie « réelle » ou tangible. Il s’agit d’une part de s’assurer que les consultations digitales trouvent des traductions concrètes et donnent lieu à des retours sous forme d’actions. Il s’agit d’autre part de combiner modes de communication virtuels et physiques, les deux pouvant nourrir une relation de proximité et individualisée avec les salariés. »
► Pour la CFDT cadres, il est important de rappeler sans cesse que le numérique ne pourra - et ne devra - jamais remplacer le présentiel. Les outils numériques peuvent favoriser le dialogue social mais ce ne sont que des outils. Le dialogue social doit se concrétiser dans des actions et mesures visibles par l’ensemble des membres de l’organisation. Plus une organisation « baigne » dans le numérique, plus ses acteurs y sont à l’aise, plus il conviendra de « casser » ce confort relatif pour y rappeler les besoins de rencontres, d’échanges, de confrontations en présentiel.
Cette demande est encore plus forte de la part des managers de proximité qui, par leur position dans l’organisation, ont besoin de ces rencontres physiques pour faire correctement leur travail. Il s’agirait aussi de les considérer en tant qu’acteurs du dialogue professionnel avec les salariés ainsi que du dialogue social informel.
+ d'infos
Guide CFDT Cadres d’aide à la négociation sur le droit à la déconnexion
Guide CFDT Cadres d'aide à la négociation sur le télétravail