Responsabilité et expression

La CFDT Cadres auditionnée sur ce que doit être l'alerte en France

02 nov 2021

Par la voix de Franca Salis-Madinier, la CFDT Cadres, rapporteure au Comité économique et social européen sur la directive européenne liée à la protection des lanceurs d'alerte, a été auditionnée par le député Waserman.


Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale de la CFDT Cadres, a été auditionnée mercredi 20 octobre par le député du Bas-Rhin, Sylvain Waserman, rapporteur du projet de loi de transposition de la directive européenne, sur le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte. La France, comme les autres pays européens, a jusqu’au 17 décembre 2021 pour transposer cette directive. 

Franca Salis-Madinier a été rapporteur au Comité économique et social européen (CESE) en octobre 2018 de l’avis sur le projet de directive européenne sur le renforcement de la protection des lanceurs d'alerte. Au cours de l’audition, la discussion a porté sur le débat concernant cet avis en Europe au sein de la société civile européenne, organisée au Comité économique et social européen.

L’avis au sein du CESE a été adopté à une large majorité par les syndicats européens et les ONG et associations constituant la société civile européenne, alors qu'une majorité d’employeurs européens ont voté contre cet avis. Leur hostilité portait notamment sur deux préconisations de l’avis : la possibilité pour le lanceur d'alerte de choisir d’alerter par le canal interne de son entreprise ou bien par le canal externe, auprès des autorités publiques.

Autre casus belli, le déplafonnement de dommages et intérêts pour les lanceurs d'alerte victimes des représailles, que l’avis recommandait de prévoir au niveau de la directive européenne, et non de le renvoyer aux lois nationales des différents pays. L’avis, en outre, défendait le principe que les représentants syndicaux des travailleurs et les personnes morales soient en mesure de lancer l’alerte, en bénéficiant de la même protection que les lanceurs d'alerte. Il plaidait aussi pour une incitation plus claire de la directive à une négociation du dispositif d’alerte interne, en tant qu’objet de dialogue social, avec les représentants syndicaux des travailleurs.

Enfin, l’avis recommandait la publication obligatoire des rapports périodiques sur l’alerte des entités publiques et des États membres, ainsi que l’incitation aux campagnes de sensibilisation à l’échelon européen et national, notamment à destination de la jeunesse, pour faire évoluer la culture de l’alerte.

Ces principes et propositions ont été réaffirmés lors de cette audition.

La loi Sapin, première loi en France prévoyant une protection globale des lanceurs d'alerte, a représenté un grand pas en avant que la CFDT avait salué. Mais cinq ans après, force est de constater que cette loi est mal connue et surtout mal appliquée. Un  rapport d’évaluation sur la loi Sapin, conduit par les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, pointe que seuls 51 % des cadres ont à leur disposition un dispositif d’alerte interne dans leur entreprise. Et selon le Défenseur des droits, moins de 30 % des collectivités de plus de 30.000 habitants respectaient l’obligation de mettre en place un dispositif d’alerte interne à la fin de l’année 2018.

C’est pour ces raisons, et en cohérence avec les principes défendus au CESE, portés et enrichis au sein de la Maison des lanceurs d’alerte, dont la CFDT Cadres est membre fondateur et membre du Conseil d'administration, que Franca Salis-Madinier a avancé des propositions pour améliorer la directive lors de la transposition en loi nationale. 

  • Proposition 1 :
    Une implication plus forte des syndicats dans la négociation des dispositifs de signalements et des canaux internes (dans le projet de loi seule la consultation est prévue). L’implication des syndicats dans les décisions d’ouverture ou pas d’enquête et du suivi des alertes. 
    Pourquoi ? C’est un gage d’indépendance et d’impartialité pour le recueil et le traitement des signalements internes.
  • Proposition 2 :
    Les syndicats peuvent porter l’alerte à la place du lanceur d'alerte si cela pose trop de risques, et protéger leurs sources si les lanceurs d'alerte veulent garder l’anonymat.
    Pourquoi ? Notre organisation n’oppose pas alerte individuelle et la prérogative d’alerte collective que les syndicats ont en matière de santé et sécurité, ou en cas de situation économique alarmante de l’entreprise. L’alerte peut devenir collective, évitant ainsi de laisser les individus isolés et de ce fait, vulnérables. 
  • Proposition 3 :
    - Donner un statut protecteur aux référents/déontologue 
    Pourquoi ? Souvent, ces référents désignés par l’employeur ne peuvent pas recueillir, conduire ou diligenter des enquêtes en toute indépendance, car soumis à la pression de leur hiérarchie. Il faut leur donner un statut de salarié protégé pendant l’exercice de cette fonction.

     

     

     

     

    - Protection immédiate du lanceur d'alerte après son signalement selon le principe de “présomption d’alerte fondée”
    Pourquoi ? Il y a fragilité du lanceur d'alerte entre le moment où il alerte et l’attente de réponse de la direction.
    Comment le protéger ? Si les représailles interviennent - et pouvant aller jusqu’au licenciement -, il est difficile de rattraper le coup (faire réintégrer le lanceur d'alerte dans l’entreprise), sans compter toutes les dégâts psychologiques et matériels qui peuvent s’ensuivre.
    Modalités : Une fois l’alerte donnée, le lanceur d'alerte notifie auprès du Défenseur des droits (DDD) par l’envoi du reçu de dépôt d’alerte.

  • Proposition 4 :
    Créer un fond de soutien pour les lanceurs d'alerte alimenté par les amendes collectées grâce aux alertes. 
  • Proposition 5 :
    Conduire des campagnes pour faire évoluer la culture de l’alerte.

Avec 26 organisations et syndicats agissant au sein de la MLA, nous demandons aux députés de se saisir de cette opportunité de transposition de la directive européenne pour adopter rapidement une loi qui renforce le Droit d’alerte et protège réellement ceux qui au nom de l’intérêt général décident de ne pas se taire : 

 

 

+ d'infos

L'audition du 20 octobre de Franca Salis-Madinier par le député du Bas-Rhin Sylvain Waserman (youtube.com)

Défendons les lanceurs d'alerte ! Vers une loi ambitieuse et nécessaire (youtube.com)

« Protéger l’alerte et le lanceur d’alerte est un enjeu de société majeur » (lemonde.fr)

Lanceurs d'alerte : deux ans pour transposer la directive en droit français

Droit d'alerte : ces personnalités qui soutiennent les lanceurs

Proposition de loi visant à améliorer la protection de lanceurs d'alerte – Les positions CFDT

 

 

Illustration : capture youtube.com