Management et organisation

"Ceux qui travaillent", un film au plus près des préoccupations de la CFDT Cadres

25 sep 2019

Dans "Ceux qui travaillent", Olivier Gourmet interprète Frank, un cadre qui cherche encore un sens à un travail déshumanisé.


"Ceux qui travaillent" (affiche)"Ceux qui travaillent"

  • Date de sortie : 25 septembre 2019 (1h42min)
  • Réalisateur : Antoine Russbach
  • Avec : Olivier Gourmet, Adèle Bochatay, Delphine Bibet
  • Genre : Drame
  • Pays d'origine : Suisse, Belgique

 

Synopsis :
Cadre supérieur dans une grande compagnie de fret maritime, Frank consacre sa vie au travail. Alors qu’il doit faire face à une situation de crise à bord d’un cargo, Frank prend – seul et dans l’urgence – une décision qui lui coûte son poste. Profondément ébranlé, trahi par un système auquel il a tout donné, le voilà contraint de remettre toute sa vie en question.


Parler d’un film, c’est d’abord parler de cinéma : ici, la rigueur de la mise en scène et la très bonne direction des acteurs - toujours très justes - rend difficilement imaginable que nous avons affaire au premier film d’un jeune réalisateur (après deux courts-métrages, certes). Sur un sujet très compliqué, le film reste toujours sur la corde et ne tombe jamais du mauvais côté. 

Les problématiques soulevées sont celles que nous n’avons de cesse de remonter depuis de nombreuses années à la CFDT Cadres. Combien rencontrons-nous de cadres qui ont fait des mauvais choix, pris des mauvaises décisions parce que sous-pression, isolés, ou tout simplement parce qu’ils ont perdu de vue depuis trop longtemps certaines valeurs ? Quel est le sens de leur travail ?

De nombreuses scènes viennent nous interpeller sur le travail des cadres d'aujourd’hui. Nous en citerons ici quelques-unes : celle centrale présentant Frank (interprété par l'excellent Olivier Gourmet) au volant de sa voiture et en ligne avec le capitaine du cargo vient illustrer toutes ces décisions prises à distance pour des gens qu’on ne rencontrera normalement jamais (cette fameuse mondialisation du travail). Citons également la scène du bilan de compétences engagé par Frank et sa lucidité glaçante, l’entretien de Franck avec sa hiérarchie et sa posture, ses gestes montrant son extrême solitude et son incompréhension non feinte malgré l’horreur de son geste, la rencontre avec la concurrence pour un poste qui n’existe pas et les espoirs fugaces qui disparaissent. Au fur et à mesure, le spectateur réalise que Frank ne s’est pas « dégradé » en prenant la décision qui fait tout basculer : cette « dégradation » est présente depuis bien plus longtemps, mais sa lente progression l’a rendue presque impossible à repérer. Ironie du sort, c’est Olivier Gourmet qui tient le rôle principal, lui que l'on a découvert dans « La promesse » des frères Dardenne, titre qui pourrait tout aussi bien aller à ce film. Promesse d’une carrière épanouissante, d’une famille aimante... mais que faire lorsque cette promesse n’est pas tenue ?



Pris entre le marteau et l’enclume, Frank est l’exemple même du cadre qui veut encore chercher un sens à un travail déshumanisé (même si, heureusement, les conséquences ne sont généralement pas aussi horribles et dramatiques). Une autre scène encore : pour sauver ce sens déjà perdu depuis longtemps, Frank ira par la suite affirmer n'avoir aucun regret quant à sa prise de décision. Mais cela est-il sincère, ou s'agit-il d'une façon de se rassurer et rendre sa prise de décision rationnelle ? Lorsque les cadres ne perçoivent plus le sens de leur travail, tout s’effondre. Et Frank, personnage central du film, ne veut pas s’effondrer.

Voir le film « Ceux qui travaillent » est une urgence. Urgence parce qu’il n’est pas trop tard. À condition de prendre conscience de la situation et de réfléchir ensemble à des propositions. En plus d’être un grand film, un film salutaire donc !

 

+ d'infos

Bande-annonce du film "Ceux qui travaillent" (Condor Distribution)

Les paradoxes de l'engagement professionnel des cadres

 

Illustration : Condor Distribution