Vie syndicale

Brésil : une nouvelle ère source d'inquiétude pour le syndicat d'ingénieurs Fisenge

30 jan 2019

Le syndicat brésilien des ingénieurs Fisenge est allé à la rencontre de la CFDT Cadres, l'occasion d'une mise au point sur la nouvelle donne politique au Brésil.


par Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale CFDT Cadres

Fin décembre 2018, nous avons renoué notre partenariat avec le syndicat brésilien des ingénieurs de la Fisenge, fédération affiliée au syndicat international UNI Global (au même titre que la CFDT Cadres). Nous avons rencontré Raul Otávio da Silva Pereira, directeur de la Fisenge en mission syndicale en Europe et avec qui nous avons su tisser des relations de partenariat durables. En juillet prochain, la Fisenge organise un séminaire dédié à l’intelligence artificielle et sollicite aujourd'hui la CFDT Cadres, aspirant à ce que ses connaissances puissent contribuer à l'organisation de l'événement (preuve s'il en est que Comité National CFDT Cadres des 15 et 16 novembre 2018 a pu trouver écho jusqu'au Brésil !).

À l'occasion de cette rencontre à Paris, Raul Otávio da Silva Pereira nous livre son analyse personnelle de la situation politique au Brésil au lendemain des élections présidentielles et de la mise en place du gouvernement par le président Bolsonaro.

  • "Comment la Fisenge analyse-t-elle la nouvelle situation politique au Brésil par rapport à ce gouvernement1 ?

Raul Otávio da Silva Pereira : Nos analyses pêchent par superficialité et par manque de lecture. La "sélection" du capitaine-président des 22 ministres (aucune ressemblance avec le nombre de membres de l'équipe nationale de football brésilienne, qui est actuellement composée de 23 personnes) comprend 3 groupes bien définis. Je ne donnerai pas de noms. Le premier groupe est essentiellement politique : les ministères de la justice (avec un "j" minuscule), de l’économie (économie de quoi et pour qui exactement ?), de la "civilization" pour faire le sale boulot et transmettre l'idée que le boulot est "propre" et de la sécurité institutionnelle (probablement pour nous protéger des étrangers socialistes et communistes, puisque sur Terre ceux-ci se sont déjà été éteints).

Cette classe apportera des changements structurels - nous ne nous en remettrons jamais. Le second groupe (8 ou 10 personnes, je n'ai pas compté) est formé par ceux qui vont faire "marcher" le pays. Que ce soit en arrière ou en avant, c'est une question de point de vue. Ils sont formatés "écologistes”, savent ce qu'ils veulent et savent comment l’obtenir. Ces personnes ne seront pas dérangées dans leur tâches, mais elles dérangeront les autres s'il se passe quelque chose qu'ils n'aiment pas dans des secteurs autres que ceux qui relèvent directement d'eux. Elles sont les gardiens du poste attribué par le “capitaine-président”, probablement en échange d'une gouvernabilité. 

[..] Au centre, le “capitaine-président”. [..] À partir d'une élection qui "est tombée sur ses genoux", il fait avec compétence ce qu'il a proposé et ce qu'il croit - que nous soyons d'accord ou non."

Le troisième groupe - 6 ou 8 personnes peut-être - est le groupe des "clowns". Ce sont les imbéciles de la cour. Ils ont pour tâche de produire (en alternance dans le ridicule) au moins une déclaration ridicule, de facto, stupide, raciste, xénophobe, agressive, biaisée, mensongère, ou non préparée. Ce troisième groupe est le plus dangereux du point de vue tactique. Il agit comme un écran de fumée d'une manière détournée, détournant notre attention de l'essentiel - administré presque silencieusement par les deux autres groupes - vers l'insignifiant.

Il place le gouvernement et ses initiatives dans le fossé commun des discussions de bar, des discussions familiales, des querelles entre amis depuis des décennies. Les exemples sont nombreux ; il y a quelque chose de nouveau chaque jour. La dernière, avant que j'écrive ce texte, était la question de "porter du bleu et du rose". Demain, il y aura une autre controverse, c'est sûr. Et allons-nous passer notre temps à essayer de répondre l'un après l'autre ? (Tandis que les clowns "amusent" la population, les deux autres groupes vont mettre en œuvre des changements structurels irréversibles). Au centre, le “capitaine-président”. À partir d'une élection qui "est tombée sur ses genoux", il fait avec compétence ce qu'il a proposé et ce qu'il croit - que nous soyons d'accord ou non.

  • De quelles marges de manœuvre dispose un syndicat comme le vôtre ? 

Raul Otávio da Silva Pereira : Nous devons harmoniser, reformuler et réajuster l'orientation d'une résistance respectueuse, efficace et, surtout, démocratique. Que certaines personnes le veuillent ou non, le capitaine a été élu président. C'est le président. Rien n'est permis en dehors des règles démocratiques." 


1 Le gouvernement Jair Bolsonaro est en place au Brésil depuis le 2 janvier 2019.

 

+ d'infos

Ingénieurs au Brésil et en France (Cadres n°418, 2006)

Site officiel Fisenge - Federação Interestadual de Sindicatos de Engenheiros