[Revue Cadres] Le travail en débat
La Revue Cadres de ce trimestre a pour dossier "Le travail en débat". Ce dossier interpelle, questionne et veut créer le débat, libérer la parole sur le travail.
Au dix-neuvième siècle, les ouvriers se battaient pour ne pas être considérés comme des bêtes de somme. Au siècle suivant, ils revendiquaient de pouvoir s’exprimer sur leur travail. Les salariés ont depuis obtenu un droit d’expression - directe et par la voie de représentants élus - sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Cette expression a pour objet l’amélioration des conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production (art. L2281-1 et L2281-2 du code du Travail.). Mais, du dialogue professionnel au dialogue social, des instances aux échanges informels, les espaces et les attendus ne se ressemblent pas : on parle pour gérer la qualité et l’efficacité productive, pour apprendre collectivement du travail, pour traiter d’enjeux de santé ou sécurité, pour évaluer des missions personnelles ou collectives, etc.
L’intensification des conditions d’emploi - parcellisation des tâches, contrôle de l’activité, pression financière… - et le déplacement d’un management du travail vers l’individu impliquent d’instituer une parole et des échanges de qualité. Des usines aux bureaux d’études, des gares aux cabinets de conseils, l’écart entre la prescription et la réalité professionnelle est-il systématiquement discuté ? Les salariés, du pilote d’avion à l’ouvrier non qualifié, connaissent les ficelles de leur métier, ajustent les règles, savent mesurer ce qu’est un travail bien fait. Ils ont leur mot à dire sur l’organisation de l’activité. Ils ont besoin de participer et d’être reconnus en tant qu’acteurs du travail demandé. Et cette parole est d’autant plus importante que le travail est abstrait.
Mais la mise en débat ne s’impose pas naturellement. Il y a des postures patronales mais aussi syndicales qui s’y tiennent à distance, des cabinets qui vendent du bonheur individuel et de l’optimisme infantile en éludant de partir de la réalité quotidienne des équipes. Tant d’entreprises ressemblent à celle de la talentueuse série Caméra café : on rit des préoccupations interpersonnelles et des conditions de travail au quotidien. On y clame « J’aime ma boîte » une fois par an. L’important n’est-il pas plutôt de discuter de l’organisation de l’activité, du sens collectif du travail, du niveau de qualité à atteindre, des appuis professionnels pour y arriver ?
Pour aller plus loin :
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