Manifeste des droits et garanties attachés à la fonction cadre
Passer d’une situation définie par la protection sociale à une fonction définie sur des critères objectifs.
La CFDT s’est positionnée depuis longtemps pour prendre en compte la réalité du travail des cadres (temps, charge, investissement, rémunération globale, responsabilité, autonomie, expertise, etc.) sans se satisfaire de l’existence d’un statut qui n’a jamais été formellement défini. Dans un contexte de surveillance accrue de la Cour de cassation de la justification des différences de traitement et de la définition de catégories objectives de salarié, la CFDT souhaite passer d’une situation définie en creux par sa protection sociale (niveau de retraite, accès à l’APEC…) à une fonction définie sur des critères objectifs assis sur la mise en œuvre de compétences, de responsabilité ou de conditions d’exercice de la fonction et des garanties associées. C’est le sens de ce manifeste que nous souhaitons partager.
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LA DÉFINITION DES ACTIVITÉS
Le rôle du manager est principalement d’organiser la coopération et le travail en vue de réaliser les objectifs de l’entreprise et des salariés. La notion d’expert ou de professionnel recouvre différentes acceptions. Etre un expert, c’est avoir acquis un savoir-faire, des compétences dans une fonction ou une discipline grâce à une expérience qui fait référence au-delà du poste d’emploi. La définition des activités et missions de manager ou de professionnel ne peut être conduite qu’au plus près des réalités de travail mais avec une homogénéisation des critères au niveau de la branche ou du secteur professionnel. Ces activités ont en commun la reconnaissance d’une large autonomie et d’une grande latitude dans la mise en œuvre des moyens mis à disposition. L’activité se caractérise par l’engagement, la responsabilité ainsi qu’une capacité d’initiative.
LA QUESTION DES DROITS FONDAMENTAUX
Compte tenu du haut degré de responsabilité et afin de favoriser les initiatives, il est indispensable de reconnaître un certain nombre de droits fondamentaux inhérents à la fonction de manager et d’expert. Ces droits recouvrent : un droit d’expression libre, indispensable au développement de l’autonomie et de l’initiative ; un droit d’alerte : exercer son droit d’alerte est un acte voire parfois un devoir de responsabilité. Le système d’alerte professionnelle mis en œuvre doit assurer la confidentialité et la protection interne du lanceur d’alerte. Dans certaines situations, un cadre doit pouvoir bénéficier d’un droit de retrait, d’un droit à démission légitime face à un comportement répréhensible ou particulièrement grave de son entreprise, heurtant gravement sa conscience professionnelle.
LES DROITS DÉRIVÉS DE LA FONCTION
La question des droits dérivés s’analyse comme une juste contrepartie à l’investissement des managers et des experts. Plusieurs éléments sont à négocier. Concernant l’entrée dans la fonction, un jeune diplômé de niveau master doit pouvoir passer cadre dans les 18 mois après son embauche ou son accès à des responsabilités de management et/ou d’expertise. Pour les techniciens supérieurs et agents de maîtrise, un examen systématique de l’atteinte des conditions d’accès à la fonction est réalisé lors de chaque entretien d’évaluation. En cas de refus de la part de l’employeur, celui-ci doit préciser par écrit les éléments objectifs qui conduisent à refuser l’accès à la fonction cadre. Pour l’entrée directe dans l’entreprise, la mise en œuvre d’une période d’essai d’une durée adaptée doit être définie par chaque secteur professionnel.
Concernant la rémunération, celle-ci devrait être supérieure au plafond de Sécurité Sociale dès le passage cadre. Cette norme doit s’analyser comme un objectif à atteindre dans un délai raisonnable. Elle doit aussi comporter des garanties au niveau de la retraite et de la prévoyance liées à un juste niveau de cotisations. La construction de la rémunération est organisée autour de trois étages : un premier étage sanctionne un socle de compétences, l’ancienneté dans l’entreprise et des savoir-faire. Un second étage valide la contribution du salarié aux objectifs collectifs de l’entreprise et un dernier étage en lien avec une contribution plus individuelle. La retraite est organisée en trois niveaux. Un premier niveau fortement re-distributif limité au plafond de Sécurité Sociale, une retraite Agirc Arrco unifiée jusque huit fois le plafond pour le second niveau et un dispositif de Plan épargne retraite collectif (PERCO) généralisé pour le dernier.
Pour ce qui est de la protection sociale, la prévoyance décès invalidité obligatoire et une prise en charge dépassant le minimum sont prévues pour la complémentaire santé.
Sur le temps de travail, la pratique du forfait jours, innovation impulsée à l’origine par la CFDT Cadres, s’est largement répandue. En lien avec la définition du manager ou de l’expert, la question de l’autonomie réelle des salariés doit être abordée pour octroyer ou non ce que les cadres considèrent comme une juste contrepartie de leur fort investissement professionnel. Il faut cependant encadrer la charge de travail par des dispositifs non contraints et faisant appel à la négociation collective (contrôle de la charge de travail, bilan annuel sous forme d’un entretien formalisé, adéquation entre charge de travail et moyens mis à disposition).
La porosité entre vie professionnelle et vie personnelle est le lot quotidien des cadres. Loin de réduire le droit à la déconnexion à une définition liée aux technologies de l’information et de la communication, la question du droit et du devoir de déconnexion se pose et doit être régulée par le biais de la négociation collective des usages du numérique. Concernant le télétravail et le travail à distance, les managers et professionnels bénéficient d’une grande latitude dans l’exercice de leurs fonctions. Ils doivent, s’ils le souhaitent, pouvoir exercer leur activité en dehors des locaux de l’entreprise. Les règles doivent être collectivement négociées, qu'il s'agisse de travail nomade ou de télétravail. Chaque télétravailleur doit pouvoir exercer son droit à la déconnexion dans le cadre des dispositions prévues avec son employeur. Il doit pouvoir bénéficier d’un contact régulier avec les autres salariés de son entreprise.
La question de la formation des professionnels et managers est au cœur de la compétitivité. Le besoin de réactivité, de l’adaptabilité demandée se traduit par une obligation de formation accrue. L’accès à une action de formation doit être est garanti pour ceux qui n’en ont pas suivi depuis au moins 3 ans. Dans les petites et moyennes entreprises, ce droit est organisé par abondement du Compte personnel de formation et un renforcement de l’effectivité du départ en formation. L’accès à la formation pour bien manager et d’une plus grande part laissée à l’alternance doit être inscrit dans les négociations de branches pour en faire une quasi-obligation.
La mobilité professionnelle est une composante de l’activité. Elle doit pouvoir s’exercer au sein de l’entreprise ou à l’extérieur. Entretien professionnel, bilan de parcours, conseil en évolution, sont autant de droits et de devoirs, pour lesquels les cadres doivent pouvoir s’appuyer sur les services de leur association, l’APEC.
La question de la fin du contrat de travail, des conditions de départ, de la durée du préavis et du montant de l’indemnité de départ doivent tenir compte de l’ancienneté, des fonctions exercées et de l’engagement dans la fonction. Pour la rupture conventionnelle, un droit est ouvert au bénéfice du salarié sous réserve d’une condition d’ancienneté définie par les branches. De même, l’aménagement de la fin de carrière doit permettre de sécuriser la transition vie professionnelle/retraite.
L’entretien d’évaluation est un rendez-vous essentiel qui doit avoir lieu au moins une fois par an. Il doit favoriser la liberté d’expression et contribuer à améliorer l’organisation du travail. Pour les managers, l’entretien est un véritable acte de management qui doit être reconnu et pris en compte dans les missions.
La question de l’existence d’une représentation dédiée (collège spécifique, délégué syndical supplémentaire…) se pose comme une nécessité au vu de la réalité sociologique qui a vu exploser le nombre de managers et d’experts. Pour les TPE (très petites entreprises), la question de la place des cadres dans les Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) doit être traitée par un collège dédié. Enfin, au niveau des prud’hommes, l’existence d’un collège encadrement doit être adaptée aux nouvelles règles de désignation par les organisations et basée sur la représentativité nationale.
LE MODE OPÉRATOIRE
La négociation interprofessionnelle doit prévoir la définition d’un cadre de référence avec un engagement de négociations dans les branches professionnelles. La date butoir de la mise en cohérence des textes est fixée au 1er janvier 2018. Des engagements en termes d’égalité professionnelle hommes/femmes, de non-discrimination, de taux d’activité des seniors, d’insertion professionnelle des jeunes sont fixés au plan national interprofessionnel. Un comité de suivi paritaire est mis en place.