Gpec : on parle métiers mais pas d’organisation du travail
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a renouvelé le dialogue social sans révolutionner la sécurisation des parcours professionnels.
Quand Gpec rime avec diversité. Une étude qualitative constate une variété de pratiques, plus ou moins innovantes mais plutôt volontaristes : ‘’si parfois le juge a dû imposer la négociation d’un accord, dans la plupart des cas étudiés, la contrainte réglementaire s’efface derrière les enjeux stratégiques’’. L’accord de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences peut être une opportunité de refondre la gestion des ressources humaines et un renouvellement des formes du dialogue social.
L’étude propose une typologie des accords :
- Les accords défensifs, a minima, qui sont l’opportunité de réduire ou redéployer les effectifs,
- Les accords tournés vers l’extérieur de l’entreprise à la limite du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE),
- Les accords plus offensifs qui tendent à développer la gestion des ressources humaines et les compétences des salariés,
- Les accords innovants qui mutualisent la gestion de l’emploi et des compétences à l’échelle d’un territoire.
Dans leur grande majorité, la Gpec se concrétise par 3 activités : les observatoires des métiers analysent l’évolution des emplois et des compétences, en lien avec les IRP, les RH et les managers de l’entreprise, la mise en place de référentiels, avec le risque d’être abstraits ou vite dépassés par la réalité, et des passerelles qui tentent de donner aux salariés de la visibilité sur les évolutions professionnelles pour les encourager à la mobilité. ‘’Les accords n'ont pas débouché sur une augmentation des moyens de la fonction RH, la plupart des outils existaient déjà’’. La Gpec est ainsi une confirmation des dispositifs de bilan de compétence, de droit individuel à la formation, de validation des acquis de l’expérience, de bourses du travail en ligne. Parfois, l’accord n’est que le rassemblement d'autres accords pour simplement donner une cohérence à des dispositifs négociés au fil des obligations légales nouvelles (emploi des séniors) ou récurrentes (le plan de formation).
Des outils déjà existants
Derrière les efforts de rationalisation, que retenir d’innovant ? Les accords ont favorisé l'émergence de structures paritaires et donc un dialogue social permettant de faire le lien entre stratégies et politiques RH. C’est déjà important. La dimension prospective de la Gpec, l’engagement de nouveaux militants, le croisement entre dialogue social et management ont ainsi enrichi l’activité syndicale. Reste que la Gpec ne va pas dans le dur : on ne discute pas de l’organisation du travail et on n’anticipe pas les réorganisations. Les directions expliquent ce manque de visibilité stratégique par… la pression de l'actionnariat, la rapidité des réorganisations et la distance avec la gouvernance réelle des grandes entreprises. Pour les organisations syndicales, ‘’la difficulté d’anticipation relève de l’argument rhétorique et traduit avant tout une réticence des directions à partager l’information stratégique qui les prive de marges de manœuvre pour développer en amont l’employabilité des salariés.’’ Les métiers et les activités les plus sensibles échappent ainsi à l’accord.
Entre PSE déguisé et embryon de gouvernance collective, la Gpec semble au milieu du gué. Dans la plupart des cas étudiés, les acteurs syndicaux y voient une occasion de développer l’employabilité des salariés à défaut de pouvoir garantir le maintien des emplois. La Gpec est alors un révélateur de la performance syndicale, entre les organisations qui tentent un accompagnement professionnel des salariés, voire la coproduction d'outils RH, et celles, non-signataires, qui ne s’engagent pas.
Pour en savoir plus
Accords d’entreprises sur la Gpec : réalités et stratégies de mises en œuvre. Rapport du Gregor / IAE de Paris pour la Dares, réalisé par Xavier Baron, Carine Chemin-Bouzir, Frédéric Bruggeman et Patrick Gilbert à lire sur le site de l'IAE. Centre de recherche en gestion de l’Université de Poitiers et le groupe Alpha pour la Dares sur une douzaine de cas d'entreprises réparties sur 5 secteurs (banque, automobile, grande distribution, hautes technologies, énergie) et un territoire, déc. 2012.
La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a imposé une négociation triennale dans les entreprises de plus de 300 salariés sur : le rôle du comité d’entreprise (modalités d’information et de consultation), les effets sur l’emploi et les salaires de la stratégie de l’entreprise, a mise en place d’un dispositif de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (Gpec), la formation, la validation des acquis de l’expérience, le bilan de compétences, l’accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique et l’emploi des séniors. Un premier bilan en 2007 établi par Henri Rouilleault recommandait de privilégier la Gpec "à froid" pour anticiper les mutations, dissociée des restructurations. Ajoutant qu'une gestion RH anticipative et préventive ne peut exister que si les représentants des salariés sont aussi acteurs de la conduite des projets de changement.