RSE : il faut atteindre la gouvernance
Lier performance globale et rémunération des dirigeants : un début timide devant l'ampleur du chantier.
Les mécanismes de nomination et révocation des dirigeants sont désormais dans les mains des actionnaires, bardés de rémunération variable : bonus, stocks options, golden hello, etc. Ce n’est donc qu’aux actionnaires qu’ils rendent des comptes. La gouvernance de la grande entreprise s’est déplacée vers l’investisseur financier. Les contraintes financières imposées aux cadres dirigeants et au management par les acteurs financiers ont orienté de fait le fonctionnement de l’entreprise. Cette dérive n’est pas neutre pour les salariés, déjà relégués à un jeu de rôle institutionnel (les instances représentatives jouent la posture défensive). Idem pour les sous traitants et fournisseurs qui supportent les risques externalisés par le donneur d’ordre.
Résultat, depuis une vingtaine d’années, 90 % de la part de la valeur ajoutée consacrée aux rémunérations profite à 5% des collaborateurs ! Ce sans compter le taux de redistribution vers les actionnaires (dividendes) qui ne cesse ne progresser pour s’établir avant la crise de 2007-2008 à 26 % de la marge brute d’exploitation.
Cette redistribution sacrifie l’investissement, l’innovation et la recherche qui sont les leviers fondamentaux pour le développement et la compétitivité.
Que faire ? La CFDT Cadres a identifié dans la rémunération des dirigeants comme l’un des leviers pour moderniser la gouvernance et de finalité de l’activité de l’entreprise. Quittons les politiques d’affichage en greenwashing pour pratiquer une politique réelle de RSE. Agissons sur les mécanismes de rémunération qu’il ne faut plus limiter aux performances financières mais sociales et environnementales. En période d’effondrement des cours de Bourse et de sous-valorisation, comment s’y opposer ?!
Quelques entreprises avancent plus ou moins timidement vers la prise en compte dans la rémunération des dirigeants des critères sociaux et environnementaux. C’est une démarche valorisée par l’Orse qui va certes dans la bonne direction, mais qui interroge sur la méthode et les principes qui l’animent. Mais les salariés et leurs représentants ne sont pas ou si peu (consultation du comité d'entreprise sur une partie des projets) associés dans le choix et l’identification des critères sociaux. Dans une politique de RSE, la démarche et la forme est aussi importante que le fond. Comment ne pas s’interroger lorsque on voit le choix des critères comme baromètre social qui recouvre des notions très floues non discutés encore une fois et non négociés avec la partie qui est censée s’exprimer sur le social !
Depuis la crise financière, la CFDT cadres a proposé d’agir sur un certain nombre des leviers pour changer de gouvernance et pratiquer une politique de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) qui ne soit pas simplement d’affichage, tels que :
- - La présence d’un représentant des salariés au sein du comité des rémunérations et d’une personne extérieure et indépendante à l'entreprise,
- - Une représentation des salariés et des membres réellement indépendants dans les conseils d’administration avec un réel contrepouvoir,
- - La mise à l’ordre du jour dans les CE de la question des salaires des dirigeants,
- - L’indexation d’une partie de la rémunération des cadres dirigeants sur des critères de responsabilité sociale mesurables et négociés avec les représentants des salariés, intégrant le moyen et le long terme,
- - Le remplacement des systèmes de stock-option par des systèmes de rémunération variable à moyen terme, fondés sur la performance économique de l’entreprise mais non liés au cours de l’action (la rémunération variable doit être liée à des indicateurs de RSE couvrant plusieurs domaines d’activité).
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