Plus que jamais, protéger la fonction cadre
Balayée, la figure traditionnelle ! Mais derrière l'apparente banalisation un rôle-clé à reconnaître.
A quoi servent les cadres ? Il nous vient encore en tête la figure traditionnelle du cadre en vigueur jusque dans les années 1970. Un homme - les femmes cadres étaient très peu nombreuses-, détenteur d’une solide formation technique et scientifique, exerçant une fonction de commandement par délégation de sa hiérarchie. Ce dans une organisation très formatée : un bureau des méthodes était en charge de définir la one best way de la production…
Cette figure traditionnelle du cadre a été pour l’essentiel balayée. C’est même une attaque en règle contre les hiérarchies qui caractérise les doctrines de management apparues depuis les années 1980 - Le nouvel esprit du capitalisme de L. Boltanski et E. Chiappelo. Un nouveau mot d’ordre est apparu : la mobilisation de tous les salariés autour d’un projet d’entreprise proposé par un dirigeant supposé visionnaire (le leader). Une mobilisation qui passe par une intériorisation des contraintes et des normes de conduite. Ce à l’aide de coaching, de développement personnel, de team building ou encore de chartes de valeurs… Les cadres étaient ainsi condamnés… à disparaître.
La coopération, clé de la performance
Et pourtant, ils n’ont pas disparu. Ils n’ont même jamais été aussi nombreux. ! Aujourd’hui, un salarié sur six est un cadre (16,5%). En même temps, la population des cadres s’est transformée : 40% des cadres sont des femmes (contre 30% il y a 20 ans). Plus de trois quart des cadres ont un diplôme de l’enseignement supérieur. Six sur dix a un diplôme de deuxième cycle ou plus. Et ce pourcentage est même beaucoup plus élevé dans les jeunes générations.
Alors, à quoi servent les cadres aujourd’hui ? Nous démontrons qu’il ne peut y avoir d’organisation productive sans cadres. Dans les entreprises, il n’y a plus de one best way définie d’en haut… Le client est devenu un acteur central. Il faut sans cesse innover, trouver le bon produit, personnaliser toujours davantage le service rendu. Mais sans abandonner les forces de la grande organisation industrielle. L’initiative individuelle n’est plus perturbatrice comme elle l’était dans les organisations tayloriennes. Elle est au contraire indispensable pour pouvoir réagir et s’adapter en permanence.
La clé de la performance réside dans la qualité de la coopération entre les salariés. Certes, la coopération se noue souvent spontanément entre les salariés, comme le montre notamment Norbert Alter. Le rôle du cadre est d’organiser, d’animer cette coopération entre les membres de son équipe (ou de son projet) et surtout de la mettre au service de l’efficacité de l’entreprise. C’est aussi d’arbitrer entre des priorités, d’allouer des ressources, d’affecter des moyens. Bref, de décider. Seuls les savoir-faire humains et non les progiciels de gestion sont capables de discernement et d’initiative à cet égard !
Dans ces conditions, l’opposition traditionnelle entre cadres experts et cadres managers est de moins en moins pertinente. Tous les cadres passent (ou passeront, pour les plus jeunes) par des phases où ils sont en situation de managers, même si ce n’est plus forcément dans des fonctions d’encadrement hiérarchique. On peut dire que le travail de tous les cadres est caractérisé par une combinaison de management et d’expertise. C’est, plus que jamais, la fonction clé pour faire vivre les organisations. Loin de la prétendue banalisation de l’encadrement chantée par certains, nous tenons-là un sérieux levier de compétitivité.
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