Les entreprises peuvent-elles échapper aux actionnaires financiers ?
La flexible purpose corporation. Un petit pas pour le juriste, un grand pour l’entreprise ?
Qui a dit que la Californie a un temps d’avance sur le reste des Etats-Unis qui eux-mêmes influent sur l’Europe ? Depuis le début de l’année, l’Etat californien reconnaît en droit une nouvelle forme de société à but lucratif : ‘’la flexible purpose corporation’’ (FPC). Ses concepteurs lui ont donné tous les attributs d’une société classique, mais ont introduit un détail qui pourrait tout changer. Ils ont simplement ajouté que l’entreprise déclarait dans ses statuts un objectif autre que celui du profit. La loi prévoit que les missions soient votées par une super-majorité d’actionnaires, ce qui permet de protéger la responsabilité individuelle du dirigeant, mais en contrepartie, un impératif de transparence est exigé pour le management. Il est évidemment trop tôt pour évaluer l’impact de ce changement, seule une vingtaine d’entreprises ayant pour le moment choisi ce statut. Mais déjà, d’autres formes de sociétés s’inspirant de la FPC ont été adoptées dans d’autres Etats.
Une telle disposition permet de protéger les dirigeants qui souhaitent exercer une mission sociale ou environnementale, sans pour autant les dégager du contrôle des actionnaires. Avec ce type d’entreprises, il devient possible de réconcilier les intérêts des actionnaires avec ceux du collectif formant l’entreprise et d’ancrer dans les fondements mêmes de l’entreprise le principe de responsabilité sociale.
Quelle est la pertinence de cette voie en Europe ? Si de nombreuses dispositions légales intègrent déjà une certaine conception de la responsabilité sociale, la contradiction portant sur les dirigeants n’en semble pas moins présente. Travailler à inclure une finalité pour l’entreprise dans l’objet social, à côté de la liste des activités licites de l’entreprise, pourrait-il, en France également, mitiger ces risques et ouvrir de nouvelles voies pour penser l’entreprise de demain ? Dès lors que les actionnaires reconnaissent que l’entreprise poursuit des objectifs différents de la rentabilité financière, voire même contraires à cette rentabilité à court terme, il devient possible de réconcilier les intérêts des actionnaires avec ceux du collectif formant l’entreprise.
Sur le même sujet
Cadres CFDT n°450-451. Gouverner, diriger, manager
Repenser l'entreprise, mode d'emploi
La crise de l’entreprise plombe notre compétitivité
Télécharger l'article de Kevin Levillain La flexible purpose corporation