Vers une "plateformisation" de la conception pour les ingénieurs ?
Le Laboratoire d’Économie et de Sociologie du Travail (LEST) publie une étude sur la transformation des métiers d’ingénierie de conception.
par Laurent Mahieu, Secrétaire général de la CFDT Cadres
L’APEC vient de publier une étude réalisée par le LEST, en partenariat, sur « Les ingénieurs de conception industrielle dans la révolution numérique ». Cette étude est particulièrement éclairante sur les changements à l’œuvre dans l’activité des ingénieurs de conception industrielle.
L’APEC note que « Dans l’industrie, les activités de conception tirent bénéfice de la transformation numérique et les métiers de l’ingénierie-R&D centrés sur le travail de conception sont réorganisés autour d’une vision et d’une approche plus systémique et collaborative. Ceci conduit les ingénieurs de conception à questionner leur position au sein de systèmes de soutien à la création qui, comme les plateformes numériques de type PLM (Product Lifecycle Management), tendent vers un certain automatisme ».
L’étude décrit clairement le contexte du métier, le rôle structurant des éditeurs de logiciel, les différents modèles de conception et leurs processus de régulation. Elle aborde des concepts en cours (générativité, robustesse, économie de l’attention).
L’étude part également de l’expérience des ingénieurs et aborde les différences d’approche selon les générations, le vécu des ingénieurs des grands groupes (vs. la délégation d’expertise conférée aux prestataires), etc.
Le devenir des métiers d’ingénieur de conception paraît fortement lié au développement des plateformes numériques qui introduisent de nouvelles manières de travailler. Cela recouvre des enjeux de centralisation documentaire, des enjeux de haute fiabilité.
Dans ce contexte, les aspects de cohésion, collaboration et coopération sont ressentis différemment :
- « D’un côté, certains évoquent une cohésion rendue difficile dans leur travail par l’utilisation de ces outils d’aide à la conception. De l’autre, d’autres relèvent une harmonie facilitée grâce à ces mêmes outils et une collaboration rendue plus fluide. »
- « La dominante collaborative ou coopérative des modes d’organisation des processus de conception explique en partie ces différences de points de vue. La collaboration est un mécanisme dans lequel les ajustements cognitifs sont prépondérants, c’est un temps où les individus doivent réfléchir ensemble, tandis que la coopération constitue davantage un processus de mise en commun des idées individuelles séparées. »
Les auteurs vont jusqu’à évoquer une possible "plateformisation" de l’activité de conception hors du salariat via des réseaux de conception.
Cette étude mérite donc bien un détour pour tous les acteurs concernés par la transformation de ces métiers d’ingénierie de conception (en entreprise, centre de recherche, établissement de formation d’ingénieurs).
Sous l’incidence de la transformation numérique les identités professionnelles sont amenées à se reconfigurer ainsi que les parcours métiers. Cette étude est un point d’appui pour les acteurs syndicaux CFDT et les ingénieurs eux-mêmes en vue d’aborder ces questions dans le dialogue social ou le dialogue professionnel.
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