Emploi et compétences

Cadres et portage salarial : quel « statut » pour répondre à quelles attentes ?

28 mai 2019

Regards sur la dernière enquête APEC, avec en ligne de mire la négociation interprofessionnelle nationale du 29 mai.


par Laurent Mahieu, Secrétaire général CFDT Cadres

À l’heure où l’encadrement du travail indépendant est questionné en France et en Europe, l’APEC publie opportunément une enquête portant sur « Les cadres et le portage salarial » (avril 2019), après avoir publié en mars une étude « salariat et autres formes d’emploi ».


Des professionnels autonomes au portage salarial

En 2001, la Revue Cadres consacre un numéro (395) à ceux qu’elle dénomme « Les professionnels autonomes ». Dans la Revue marquant ses 50 ans (décembre 2017), la CFDT Cadres consacre un chapitre à cette réalité, signant là qu’il s’agit d’une innovation importante et d’un combat de longue date de la CFDT.

Cette innovation sociale, la CFDT Cadres l’a suivie de près au début des années 2000, dans sa phase de maturation. Depuis, c’est la F3C CFDT (Fédération Communication, Conseil, Culture) qui en suit le devenir et négocie la définition et l’évolution des contours et règles sociales.

La convention collective national du portage salarial a été signée le 22 mai 2017. Par cette signature, les organisations syndicales de salariés et d'employeurs ont ainsi défini le portage salarial comme un secteur d'activités à part entière. Le portage salarial regroupe 70 000 salariés répartis sur 250 entreprises. 45% des salariés ont moins de 45 ans, 39% sont en CDI et 84% sont cadres (source F3C CFDT).


Au-delà du portage salarial, ce qui compte pour les cadres !

L’enquête 2019 de l’APEC (en partenariat avec la fédération patronale PEPS) fait suite également à une étude de 2017 « Les nouvelles formes d’emploi : enjeux et vécu des cadres ».

La publication de cette enquête est l’occasion pour l’APEC de mettre en perspective les attentes principales des cadres vis-à-vis du travail et de l’emploi.

48 % des cadres en recherche d'emploi indiquent qu’il pourraient envisager d’avoir recours au portage salarial dans les 3 ans à venir"

« Les cadres ont des attentes très fortes quant à leur vie professionnelle. Exercer un métier qui a du sens, se sentir utile dans le cadre de son travail, développer ses compétences pour progresser, accomplir correctement ses missions sont des priorités affirmées par les cadres. Plus encore, pouvoir percevoir des revenus réguliers est un point essentiel pour eux, ce que le salariat incarne tout particulièrement ».

« Les logiques qui président au fait de sortir du salariat classique pour prendre un emploi ou développer une activité sous une autre forme que celui-ci, sont bien connues. Volonté de redevenir acteur de sa vie professionnelle et d’être maître de son temps et de son organisation de travail en sont des moteurs majeurs, dès lors que ce choix n’est pas strictement contraint. »

Si les cadres en recherche d’emploi sont 48 % à dire qu’il pourraient envisager d’avoir recours au portage salarial dans les 3 ans à venir, ils ne sont que 27 % parmi les cadres en emploi. Le travail indépendant (micro-entrepreneur) ou les groupements d’employeurs sont mentionnés un peu plus souvent.

Le portage a acquis une certaine notoriété : plus de la moitié des cadres de 30 ans et plus le connaissent. Ils en perçoivent (à plus de 50 % des cadres sondés) deux avantages principaux :

  • Pouvoir bénéficier d’un système de protection (sécurité sociale, responsabilité civile, cotisation retraite)
  • Déléguer à la société de portage les démarches administratives et les activités de gestion

Un message pour les employeurs dans la période !

En ces temps de négociation « encadrement », il importe d’entendre à nouveau la « petite musique » des cadres, d’y écouter les silences, les creux, qui sont aussi de la musique même si elle est jouée en solo.

Un article de la Revue Cadres n°395 parlait d’ailleurs de ces nouveaux cadres comme des « solos » (cf. article « Le métier de solo » Françoise Piotet, Revue Cadres 395, 2001) !

Sur les attraits du portage salarial on peut y lire en creux, d’un côté, la volonté de fuir ce qui pèse le plus dans l’évolution du travail salarié des cadres (les charges administratives et les contraintes de gestion) ; d’un autre, pouvoir travailler dans un cadre sécurisant aujourd’hui et demain pour soi-même et ses clients. Bref, les employeurs doivent veiller à ces incontournables de la qualité du travail et de l’emploi sans négliger le fait de percevoir des revenus réguliers !


Plus fondamentalement encore, les aspirations majeures des cadres sont ainsi résumées dans cette étude : un travail qui a du sens, le sentiment d’utilité, la possibilité de se développer et de bien faire son travail, être acteur de sa vie pro, être maître de son temps et de son organisation…

Est-ce dans cette direction que les employeurs veulent construire un nouveau pacte avec les cadres par la négociation encadrement, un pacte productif (!) de qualité du travail et de fidélisation des cadres ? On en rediscute en négociation interprofessionnelle nationale le 29 mai.

 

Aller + loin

Les cadres et le portage salarial (Apec, Avril 2019)

Les professionnels autonomes (revue Cadres n°395)

Le métier de solo (article revue Cadres n°395)

Depuis 50 ans, la CFDT avec les cadres (revue Cadres n°475)

Les nouvelles formes d’emploi : enjeux et vécu des cadre (Apec, 2017)

 

Illustration : Fotolia / momius