Sociologie d'un syndicalisme de proposition
La CFDT : sociologie d’une conversion réformiste, Cécile Guillaume (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2014
La CFDT assume son identité de « syndicalisme de proposition » portée par une très grande majorité d’adhérents, de militants et de responsables. Une « conversion » au réformisme portée par le développement du dialogue social depuis la création, voulue par la CFDT, de la section d’entreprise, jusqu’aux nombreux accords nationaux interprofessionnels de ces dernières années et en passant par l’avènement d’un droit d’expression des salariés sur leurs conditions de travail. Mais signer ne suffit pas. La CFDT croît en la négociation collective et à la nécessité de la confrontation des logiques.
Cette singularité fait l’objet de deux interprétations complémentaires. La première insiste sur la continuité qui caractérise le corpus idéologique de la CFDT depuis ses origines pour expliquer l’homogénéisation avérée des pratiques militantes. La seconde fait l’hypothèse d’une conversion menée par une élite dirigeante stable, de plus en plus qualifiée et moins politisée, ayant réussi à s’appuyer sur un réseau d’intellectuels externes et à clôturer l’espace de débat interne pour mener à bien la conversion au réformisme.
« Ce réformisme assumé ne s’est pas construit mécaniquement, il s’est accompagné d’un travail constant de l’institution sur elle-même, pour définir ses modalités de fonctionnement, ses principes démocratiques et ses frontières, façonner ses pratiques, sélectionner, former et exclure ses militants, élaborer son projet, diffuser et légitimer ses valeurs » souligne Cécile Guillaume. Les textes réunis dans cet ouvrage explorent les conditions et modalités pratiques de la conversion de la CFDT au syndicalisme de proposition, lequel se caractérise principalement par l’abandon d’un syndicalisme de classe, l’adoption d’un discours de l’intérêt général, l’acceptation du marché comme principe légitime de régulation économique et la valorisation d’une posture contractuelle de négociation dans l’entreprise. Les différentes contributions retracent ainsi le travail de la CFDT sur elle-même pour redéfinir ses frontières internes et externes, professionnaliser ses militants, rationaliser ses structures et adopter un répertoire d’action aujourd’hui partagé dans l’organisation (voir le site des Presses Universitaires de Rennes).
Sommaire
- Nicolas Defaud, De l’autogestion au syndicalisme de proposition. Sociologie d’une conversion sans convertis
- Marcos Ancelovici, La CFDT, la mondialisation et l’altermondialisme
- Pascale Le Brouster, Quelle stratégie syndicale pour les femmes ? Regard sur l’histoire de la CFDT de 1960 à nos jour
- Cécile Guillaume et Sophie Pochic, Les succès inégaux d’une politique volontariste de syndicalisation
- Frédéric Rey, Le défi organisationnel de la représentation syndicale dans les petites entreprises
- Adrien Thomas, Politiques organisationnelles du tournant réformiste : l’exemple de la fusion de la fédération CFDT Chimie-énergie
- Sandrine Nicourd, Quelle professionnalisation du travail des militants locaux de la CFDT ? L’entreprise comme collectif d’engagement
- Cécile Guillaume, Devenir permanent(e) syndical(e) : une carrière déviante ?
- Sophie Pochic, Façons de sortir. Politiques et pratiques de reconversion des anciens permanents de la CFDT
- Maïlys Gantois, Être à la CFDT ou croire en la négociation ? Éléments constitutifs d’une croyance et représentations saisies par le prisme de la formation syndicale
- Élodie Béthoux, Annette Jobert et Alina Surubaru, Construire des stratégies syndicales sur l’emploi dans l’entreprise : entre négociations et mobilisations collectives
- Paula Cristofalo, Des « outils » aux « partenaires » de l’action syndicale. La CFDT et les experts auprès des IRP
- Aline Conchon, La présence syndicale dans les conseils d’administration et de surveillance : l’empreinte de la politique confédérale
- Anne-Sophie Bruno et Charles de Froment, Les usages cédétistes du droit face aux transformations des formes d’emploi (du début des années 1970 au début des années 1980)
A lire
Du pôle réformiste au pôle responsable