Vie syndicale

"Le Congrès de Nîmes fut un bon congrès. Dans un climat de confiance, nous avons pu faire porter la délibération sur des sujets qui attestent la maturité de l’organisation, la capacité à débattre sérieusement et à faire des choix politiques. Cette maturité, c’est d’abord celle de la relation avec les différentes parties prenantes qui forment la CFDT Cadres, au premier chef les fédérations et les unions régionales, qui sont nos mandants, mais aussi la confédération avec laquelle notre action doit s’articuler naturellement. Le statut d’union confédérale qui définit notre structure suppose une forme d’autonomie et de responsabilité politique, mais la CFDT Cadres ne trouve sa raison d’être qu’en travaillant avec les autres organisations de la CFDT. Or non seulement cette nécessité de mieux travailler ensemble a été réaffirmée durant le congrès, mais des choix clairs ont été faits en ce sens, avec en particulier un mandat pour animer et mettre en œuvre une prise en compte syndicale des identités professionnelles.

Je crois qu’il est bon d’éclairer ce point, afin d’en préciser les enjeux. Le contexte tout d’abord, qui invite l’ensemble de la CFDT à faire évoluer ses pratiques. La frontière jadis très nette entre les cadres et les autres salariés est désormais floue, de sorte qu’un raisonnement sur la base du seul statut est moins pertinent que jamais. Les problématiques se croisent et s’éclairent mutuellement, les intérêts ne s’opposent pas, sauf peut-être quand il s’agit des cadres de direction. Que les fédérations d’industrie s’intéressent aux cadres est aujourd’hui naturel, et l’évolution de la nature du salariat et celle du paysage syndical y invitent fortement, posant de nouvelles questions sur la prise en charge syndicale de cette catégorie. Mais comment ? Un travail en commun peut les y aider, et la CFDT Cadres a vocation à jouer les animateurs : certainement pas en solo, ni en prenant la direction des opérations, mais en faisant vivre des dynamiques. C’est une logique de réseau, d’échange et de service qui peut ici se développer : une mise en commun des expériences et des expertises.

La base de ce travail n’est pas celle du statut, qui renvoie à des réflexes de « propriété politique » d’un autre âge, mais celle du métier, parfois même de corps de métiers et des fonctions exercées. C’est tout l’enjeu de la décision d’une prise en compte des identités professionnelles, refusant le corporatisme mais faisant mieux la part des spécificités du travail et de la fonction. La question posée au syndicalisme est simple : les individus ne se reconnaissent plus que partiellement dans les identités collectives que nous leur proposons. Ils s’inscrivent dans une logique collective mais demandent aussi à être reconnus dans ce qu’ils ont de propre, et qui bien souvent est mis à mal par les nouvelles organisations du travail. Proposer une représentation syndicale ignorant ces spécificités serait faire le lit de ceux qui ne voient dans les travailleurs que des individus en souffrance, ou de ceux qui veulent les enfermer dans des catégories. C’est précisément pour refuser ces enfermements que nous devons aujourd’hui infléchir nos pratiques. La prise en compte des identités professionnelles ne signifie pas de s’y arrêter, mais d’en partir. Repartir du travail et des individus pour proposer nos services, affiner nos revendications.

Prendre en compte les identités professionnelles, faire la part des spécificités pour les inscrire dans un projet collectif, est sans doute aujourd’hui la meilleure façon de défendre l’idée d’un syndicalisme confédéré et multi catégoriel, fondamentale à la CFDT.

C’est un moyen privilégié de donner un contenu à cette articulation entre l’individu et son collectif, son environnement, entre l’individuel et le sociétal, que nous appelons régulièrement de nos vœux. C’est un défi que l’ensemble de la CFDT devra relever, c’est un mandat clair en ce sens qui nous a été conféré. La CFDT Cadres est prête à se mettre au service de ce projet, un projet d’avenir qui commence aujourd’hui avec toi, avec vous."

Jean-Paul Bouchet, Secrétaire général de la CFDT Cadres