Revue Cadres n°439. Dénoncer ou alerter ?

Juin 2010


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Jean-Paul Bouchet

Pour une alerte responsable. Des cadres ni démis, ni soumis

En créant des dispositifs d’alerte professionnelle, les employeurs se sont trop souvent engouffrés dans des démarches unilatérales, en négligeant l’existant : les organisations syndicales et les instances représentatives du personnel. Ils ont tort. La CFDT Cadres revendique une alerte responsable qui concerne tous les risques afin que la question de la responsabilité professionnelle, un fondement de la fonction cadre, puisse être pleinement assumée dans un environnement protecteur.


Marie-José Gomez-Mustel et René de Quenaudon

L’ambivalence des disposititifs d’alerte. Un terrain juridique en construction

Offensives ou défensives, les alertes professionnelles recouvrent différentes réalités. Dans le premier cas, le donneur d’alerte peut aussi bien être un salarié ordinaire qu’un représentant du personnel. Dans le second cas, l’alerte est mise en place par l’entreprise pour assurer le respect de ses obligations. C’est alors une alerte qui a trait aux valeurs de l’entreprise, à la lutte contre la corruption et qui rencontre souvent des difficultés dans sa mise en place. Toutes ces alertes constituent un champ complexe et foisonnant, aujourd’hui encore largement en construction.


Entretien avec Chantal Lucas

Alerter contre la corruption. Les cadres dans l’expectative

Eiffage vient de mettre en place un dispositif d’alerte professionnelle de type “whistleblowing”. La position des cadres est ambivalente face à cette instauration. Dans le secteur des bâtiments et travaux publics, où les pratiques d’entente préalables pour l’attribution d’un marché ont longtemps été légion, la lutte contre toutes les pratiques de corruption est perçue positivement. Certains cadres craignent néanmoins que la mise en place d’un système d’alerte professionnellene serve aussi à se séparer de cadres dont on ne veut plus ou à désigner les cadres de proximité comme des responsables tout trouvés pour expliquer d’éventuelles contre-performances de l’entreprise. Récit de la mise en place d’un dispositif mal accepté.


Entretien avec Yann Padova

Des dispositifs encadrés mais peu utilisés. Le rôle de la Cnil

Pour mettre en place un système d’alerte professionnelle dans les domaines financier, comptable et bancaire, les entreprises doivent obtenir l’autorisation préalable de la Cnil. Plus de 1300 entreprises ont à ce jour reçu cette autorisation. Ces dispositifs défensifs ne sont pourtant pratiquement pas utilisés en France. Sans doute pour des raisons historiques. Mais aussi parce qu’en France, les dispositifs d’alerte ne peuvent intervenir qu’en complément des modes d’alerte traditionnels, incarnés par la hiérarchie, les responsables du personnel, les délégués syndicaux ou l’inspection du travail, lorsque ceux ci n’ont pas fonctionné.


Focus. La position du ministère du Travail. Entretien avec Jean- Denis Combrexelle


Entretien avec Marc Szabo

Le rôle des institutions représentatives du personnel. De la difficulté d’alerter

L’exemple traité ici montre quelles difficultés peuvent rencontrer les représentants du personnel lorsqu’ils cherchent à alerter leur direction sur des risques sanitaires avérés. Les conditions de test des automates de vente contre le vandalisme étaient dangereuses. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a pointé les conditions de travail anormales de l’ingénieur chargé d’effectuer ces tests. Ce comité a non seulement donné l’alerte, mais il a aussi préconisé des solutions concrètes pour éviter que des accidents ne se produisent sur la zone de travail incriminée. C’est cependant un accident du travail prévisible qui pousse finalement la direction à mettre en place toutes les recommandations du CHSCT.


Sandra Charreire-Petit et Joëlle Surply

Une pratique socialement responsable ? Analyse par le prisme de la liberté du salarié

Le salarié témoin d’un dysfonctionnement est confronté à une difficulté : alerter ou ne pas alerter sa hiérarchie ou un organe extérieur à l’entreprise. La conséquence de cette difficulté est souvent un renoncement ou une fuite. L’acteur salarié se soumet ou se démet, décide de ne rien dire, de ne rien faire pour révéler la fraude ou encore il quitte l’organisation. Certaines formes de leadership peuvent cependant encourager les salariés à prendre des initiatives et à exercer leur libre arbitre pour « bien agir », à la fois pour l’entreprise et pour ses parties prenantes. Dans ces cas particuliers, le salarié est incité plus explicitement à se conduire de manière responsable.


Focus. Shell France, précurseur de l’alerte professionnelle en France. Entretien avec Jacques Beurion


Thibault Daudigeos et Bertrand Valiorgue

Nouvelles figures d’experts alerteurs. Les préventeurs, responsables santé-sécurité au travail

Il existe dans les entreprises d’autres modes d’alerte, hors dispositifs d’alerte dédiés et institutions représentatives du personnel. Certaines nouvelles figures d’expert, comme les préventeurs, peuvent occuper cet autre canal. Ces responsables santé-sécurité évoluent à la marge des organisations. Ils ont un droit d’alerte en cas de dysfonctionnements dans les entreprises. Leur position périphérique leur offre une place privilégiée pour pouvoir dialoguer avec certaines parties prenantes externes et internes à leur société. Ce qui leur permet au final de se faire entendre et d’agir plus facilement auprès des directions générales pour arriver peut-être même à transformer le modèle économique et social de leur entreprise.


Michel Dessaigne

Comparaisons internationales. Des dispositifs multiples

La France n’est bien sûr pas seule à se poser la question de l’alerte professionnelle. De nombreux Etats ont mis en place des dispositifs d’alerte. Selon les cultures et les héritages historiques, ces dispositifs prennent des formes différentes. On peut par exemple aisément distinguer le groupe des pays anglo-saxons, dans lesquels l’alerte est perçuePologne ou la France où tout ce qui peut ressembler à de la dénonciation laisse mal à l’aise, les souvenirs de la guerre étant finalement encore mal digérés. On constate ainsi une hétérogénéité des réponses, souvent incomplètes, voire contradictoires. Cet éparpillement est d’autant plus dommageable que les défis, pour lutter notamment contre les dérives financières, se conduisent aujourd’hui à une échelle internationale.


  • Journal

  • Francis Ginsbourger L’individuel, le collectif et la « souffrance au travail ». La contribution d’Alain Ehrenberg à un débat essentiel pour le syndicalisme

  • Martine Brasseur. Ethique et entreprise. Vers de nouveaux apprentissages

  • Notes de lecture